Volcano The Bear + Cut Hands, Instants Chavirés, Montreuil, 21 Mars 2012
Encore un mauvais hasard des bookings : les deux doux-dingues de Volcano The Bear ne risquaient pas de faire le poids avec leur petit bric-à-brac ludico-lourdingue. Sur disque, le duo anglais empile depuis 1995 des petits délires rustiques avec un côté ‘joyeux bordel’ façon Captain Beefheart du pauvre. Le défaut de ce genre de formation qui mise sur un capital sympathie vaguement dada, c’est que l’intérêt éventuel réside seulement dans la performance scénique : ça joue de la trompette dans un tuyau d’arrosage, ça chante comme des benêts, ça descend dans le public pour souffler dans un tube affublé d’une demi-bouteille d’eau, ça tapote sur des verres, ou ça donne même des biscuits. De temps à autre, on met un petit coup de pression guitare/batterie histoire de dire « on sait aussi envoyer la sauce« , et puis on retourne au spectacle de kermesse. On se marre cinq minutes, mais la bouffonnerie revendiquée fatigue vite.
Rien qui ne préfigure l’assaut de William Bennett, le fringuant fondateur de Whitehouse, illustre entité de l’extrême, venu présenter son projet Cut Hands. Labellisé afro-noise (tout est dans le titre), il s’agit d’un travail de longue date censé fusionner transes africaines et rafales électro-indus. Sur disque, l’affaire fait grincer des dents de par son agressivité rythmique et son traitement sidérurgique. Mais c’est surtout sa fraîcheur et son originalité qui frappent, à tel point qu’on croirait entendre le boulot d’un jeune producteur et non pas d’une icône indus qui doit approcher la cinquantaine. Le live ne pardonne pas : volume élevé, tension constante, on retrouve ce sens de la confrontation propre à la musique industrielle. Mais le plus étonnant, c’est le groove hystérique que dégage cette musique : on croirait entendre Pan Sonic tenter un coupé décalé cannibale. Bennett enchaîne les montées en puissance, danse comme un dératé derrière son laptop (chemise ouverte, s’il-vous-plaît), et son zoukcore autoritaire parvient même à dérider quelques membres du public des Instants qui osent un peu se remuer. Passé les deux tiers du set, il coupe les rythmiques et dresse des murs de son métallique d’une grande puissance dramatique. Le public se focalise alors sur ses visuels en noir & blanc, au début plutôt illustratifs, qui ont basculé dans du Jean Rouch hardcore : tribus en transe, rituels obscurs, la bave aux lèvres, avec un montage vertigineux. La grande subversion du projet est mise en exergue : l’indus, connu pour ses coups de provoc crypto-nazis, vient nourrir son feu de la fièvre chamanique des tribus africaines. Bennett fait ensuite retomber la pression puis termine son live un peu trop abruptement, non sans un rappel des plus loufoques : toujours aussi chaud, il convie sa jeune et jolie camarade à monter sur scène pour danser sur un des titres déjà joués, alors que lui-même n’en finit pas de se toucher le torse et l’entre-jambe entre deux spasmes. La messe était dite.