Mélenchon à 14% dans un sondage réanime les espoirs d’une frange de la
population. Mais que signifie cette poussée du front des mécontents ?
Au début de son quinquennat, certains observateurs avaient soupçonné Nicolas Sarkozy de promouvoir Olivier Besancenot, le populaire candidat de la LCR en 2002 et 2007, pour
amoindrir le PS à peu à l’instar du FN aidé par François Mitterrand pour handicaper la droite parlementaire.
L’histoire ne se répète pas et au contraire, des responsables du NPA (ex-LCR) ont même fait appel à ne pas
soutenir le remplaçant d’Olivier Besancenot, Philippe Poutou, pour voter directement pour le représentant des communistes (je crois que c’est même une prise de position historique, tant
communistes et extrême gauche n’ont jamais fait bon ménage).
Il est presque amusant de voir les brèches de la crédulité s’ouvrir grandes à quelques semaines d’une
élection présidentielle. Certes, on est toujours le crédule d’un candidat. Mais ici, c’est assez intéressant à noter.
Alors que je pensais que la surmobilisation médiatique des horribles tueries de Toulouse et de Montauban allait affecter le candidat Jean-Luc Mélenchon
qui avait atteint son objectif de faire la plus nombreuse réunion de la campagne électorale à la Bastille le 18 mars 2012, il est devenu, au contraire, le chouchou des sondages que ses zélateurs
n’hésitaient pas fustiger tant il n’y a pas encore si longtemps (c’est toujours la même chose, on critique les sondages qui ne confortent pas et on se tait ou on se réjouit quand ils
confortent).
Il faut dire que pratiquement tous les instituts de sondage ont détecté une avancée notable de Jean-Luc
Mélenchon dans les sondages : CSA du 20 mars 2012 l’a placé à égalité avec Marine Le Pen et François Bayrou et BVA du 22 mars 2012 légèrement en avance. Cette avancée se fait d’ailleurs parallèlement à celle de Nicolas Sarkozy par rapport à François Hollande.
Si la montée de Jean-Luc Mélenchon est incontestable (environ de 10 à 14%), il faut cependant rester prudent
et rappeler que les intervalles d’erreur sont de l’ordre de 3 à 4%.
Ainsi, lorsque Nicolas Sarkozy est à 30% et François Hollande est à 28%, il est faux de dire que Nicolas
Sarkozy a dépassé François Hollande car l’étude qui révèle cela veut dire qu’il y a 95% de chance pour que Nicolas Sarkozy soit entre 28% et 32% et pour que François Hollande soit entre 26% et
30%, ce qui signifie que François Hollande pourrait quand même être avant Nicolas Sarkozy dans les conclusions de cette étude-là.
Il en est de même pour Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et François Bayrou.
La réalité de la situation de l’opinion ce 24 mars 2012, elle est que dans l’état actuel, deux candidats sont
nettement en tête et obtiennent entre 25 et 30% au premier tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande, puis ils sont suivis par trois candidats de valeur quasi-identique, situés entre 10 et 15%,
Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et François Bayrou, suivis enfin de deux candidats qui peuvent atteindre entre 1 et 3%, Eva Joly et Nicolas Dupont-Aignan, et les autres auront du mal à atteindre 1%.
Si on prend les tendances, Nicolas Sarkozy est en légère progression, François Hollande en légère érosion,
Jean-Luc Mélenchon en plus perceptible progression et Marine Le Pen en plus perceptible érosion. Quant à François Bayrou, depuis fin janvier 2012, il reste très stable, ne perdant ni ne gagnant
de nouveaux électeurs. Pourtant, il continue toujours à grimper en cote de popularité, atteignant 70% de bonnes opinions pour l’IFOP le 20 mars 2012 et ayant un potentiel de …58% au premier tour ! (CSA du 13 mars 2012). Pour ce dernier repère, Jean-Luc Mélenchon a un potentiel de 39%.
Qu’en déduire ? On pourrait croire qu’il y a un jeu de vases communicants entre Marine Le Pen et
Jean-Luc Mélenchon. C’est probable mais pas vérifié pour l’instant. Que François Hollande déçoive, c’était à prévoir. D’une part, le matraquage médiatique en faveur de François Hollande depuis octobre 2011 avait de quoi lasser les esprits, d’autre part, il a été obligé de révéler sa véritable
personnalité, que je dirais proche d’une balladurisme consensuel.
Il ne faut pas se tromper, si les intentions de vote au second tour restent largement favorables à François
Hollande, c’est d’abord par rejet de la personnalité de Nicolas Sarkozy et pas par adhésion à sa propre personne.
D’ailleurs, dans un choix de préférences (ce ne sont pas des intentions de votes), l’IFOP, en testant en
février deux duels Hollande vs Sarkozy et Bayrou vs Sarkozy, avait montré que François Hollande n’était pas le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy (voir IFOP du 23 février 2012 et mon article sur le vote utile).
Et ce mois-ci, l’IFOP a aussi testé l’improbable duel entre François Hollande et Jean-Luc Mélenchon. Le candidat socialiste l’emporte avec 53% de préférence face à 42% ; mais l’avance est
quand même faible, et ce bon résultat de Jean-Luc Mélenchon provient des sympathisants du FN qui se rangeraient plus aisément derrière Jean-Luc Mélenchon que derrière François Hollande.
Qu’en penser de tout cela ? Qu’un fait divers, certes émouvant et terrible mais qui n’est qu’un fait
divers, n’a pas semblé avoir eu beaucoup d’influence sur les rapports de force au sein des candidats, ce qui est un bien pour la démocratie. Que la situation n’est pas encore vraiment certaine et
que rien ne dit que dans les jours ou semaines prochaines, d’autres évolutions perceptibles ne se produisent pas.
Ce qui est cependant une évidence, c’est que François Mitterrand avait gagné le 10 mai 1981 parce qu’il avait réussi à convaincre les Français que les communistes ne représentaient plus un danger et que le PS serait largement capable de les contrôler, ce qui fut
le cas.
Au printemps 2012, François Hollande risquerait de rater la marche par l’effet inverse, car un Jean-Luc
Mélenchon fort pourrait renverser la donne. L’incapacité du candidat socialiste à rester ferme sur ses
positions pourrait faire craindre au centre gauche qu’il ferait beaucoup de concessions à l’extrême gauche, ce qui ferait beaucoup hésiter ces électeurs modérés que l’ancien premier
secrétaire du PS avait pourtant réussi à séduire.
Peut-être d’ailleurs est-ce l’objectif actuel de Jean-Luc Mélenchon ? Puisque l’intérêt de ses amis,
c’est une scission du PS entre europhiles et eurosceptiques, pour construire un grand parti vraiment à gauche (selon eux) avec des Arnaud Montebourg, des Benoît
Hamon et des Henri Emmanuelli. Or, cette évolution ne pourrait jamais se faire avec l’élection de François Hollande à l’Élysée. Seules, la réélection de Nicolas Sarkozy ou l’élection de
François Bayrou donneraient un boulevard à ces militants de l’impossible.
Dans ce cas, Nicolas Sarkozy pourrait bien leur dire : merci Mélenchon !
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (24 mars
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :Jean-Luc Mélenchon sur TF1.
Jean-Luc Mélenchon face à Jean-François
Copé.
Jean-Luc
Mélenchon face à Marine Le Pen.
Sondage BVA du 22 mars 2012 (à télécharger).
Sondage CSA du 20 mars 2012 (à télécharger).
Sondage IFOP du 20 mars 2012 (à
télécharger).
Sondage CSA du 13 mars 2012 (à télécharger).
Sondage IFOP du 23 février 2012 (à télécharger).
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sarkozy-merci-melenchon-113261