PSYCHO: Savoir écouter l’autre pour résoudre les conflits – Journal of Experimental Social Psychology

Publié le 24 mars 2012 par Santelog @santelog

Cette étude assez complexe de chercheurs du MIT qui part de situations de conflits graves comme au Moyen-Orient ou de conflits liés aux questions d'immigration et qui a recruté ses participants « sur le terrain » de ces conflits, démontre l'importance d'être entendu par l'autre partie, surtout lorsqu'on fait partie du groupe en situation de difficulté. L'écoute apparaît ici au bénéfice des deux parties et au bénéfice de la résolution du conflit, explique cette étude. Ainsi, en particulier pour le groupe en situation de difficulté, le plus grand obstacle à la résolution de conflit est que ses préoccupations restent ignorées. Des conclusions, publiées dans l'édition du Journal of Experimental Social Psychology, qui peuvent trouver application, aussi, dans un grand nombre de situations du quotidien.


Pour aider à promouvoir la paix au Moyen-Orient, de nombreuses organisations ont mis en place des « camps de la paix » ou des programmes de résolution des conflits qui favorisent une meilleure compréhension entre Israéliens et Palestiniens. Une caractéristique commune de ces programmes est l'occasion pour les membres de chaque groupe de partager des expériences de vie avec les membres de l'autre groupe. Cette étude de chercheurs en neurosciences du MIT montre que les avantages de cet échange sont beaucoup plus importants lorsque les membres du groupe ayant le moins de pouvoir partagent leur vécu avec le groupe dominant que dans la situation inverse.


Rebecca Saxe, professeur agrégé en sciences cognitives et membre associé de l'Institut McGovern pour la recherche sur le cerveau au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et auteur de l'étude explique : « Le sentiment d'être ignoré et de ne pas être entendu est le plus grand obstacle à la la résolution d'un conflit, du point de vue du groupe en difficulté. Or c'est un point plutôt facile à résoudre en offrant au groupe une occasion de se faire entendre» explique le Dr Saxe.


Dans cette étude, les auteurs se sont attachés à examiner la perspective de laisser à l'autre la possibilité de partager sa propre histoire. Les chercheurs ont recruté d'un côté des Palestiniens et des Israéliens, et de l'autre des immigrants mexicains et blancs d'Arizona, pour soi-disant l'étude d'un système de traduction en ligne. Au Moyen-Orient l'étude a été réalisée 6 mois après l'action militaire israélienne à Gaza de 2009, alors que l'espoir d'un accord de paix était au plus faible et en Arizona 6 mois après le passage d'une loi controversée anti-immigration. Chaque participant a dû soit écrire sur ses difficultés au quotidien, soit lire puis résumer le récit écrit par un membre du groupe adverse. Toutes ces interactions ont eu lieu via vidéo et chat. Chaque participant était jumelé à son insu avec un assistant de recherche.


L'importance d'être entendu : Par questionnaire proposé avant et après l'interaction, les attitudes envers le groupe adverse montrent l'amélioration la plus nette parmi les membres du groupe en difficulté qui ont pu raconter leurs histoires personnelles de vie et parmi les membres du groupe dominant qui a lu les récits des autres. Lorsque les membres du groupe en difficulté ont simplement écrit leurs histoires de vie sans avoir personne du groupe adverse pour les lire, cela ne bonifie pas leurs attitudes à l'égard de l'autre groupe. Ces résultats confirment l'importance d'être entendu.


Pour le groupe dominant, il est important d'écouter : Les chercheurs suggèrent que d'entendre des histoires du groupe adverse est bénéfique au groupe dominant car ses membres craignent toujours d'être accusés d'être à l'origine de conflits. L'écoute de l'autre leur offre «une occasion d'agir vertueusement et moralement et de montrer qu'ils ont effectivement cette moralité», explique le Dr Saxe.


Il ne s'agit pas de dialoguer tout le temps : Les chercheurs ne recommandent pas l'adoption d'une approche unilatérale dans laquelle le groupe en difficulté s'exprimerait « tout le temps ». Il est important de veiller à ce que les deux groupes puissent s'exprimer. Mais permettre aux membres du groupe en difficulté de s'exprimer le premier, est une amorce incitant les 2 groupes à résoudre le conflit. Peter Coleman, directeur du Centre international pour la coopération et la résolution des conflits à l'Université Columbia, parle, avec cette étude, d'un aperçu précieux sur ce qui se passe du côté des deux parties dans une situation de dialogue ou de conflit.


Lorsque les chercheurs interrogent à nouveau les participants une semaine après le premier échange, ils constatent que les attitudes sont revenues au stade de départ. Les auteurs veulent évidemment identifier des types d'intervention durables et travailler sur des modifications de comportement susceptibles de durer pendant un conflit, portant sur les préjugés, la confiance, l'empathie et l'engagement à l'action collective. Ce n'est donc qu'une première étape. Enfin, ils souhaitent également comprendre, par utilisation de l'IRMf si les programmes de résolution de conflits ont un impact mesurable sur l'activité du cerveau et constatent déjà que les régions du cerveau qui gèrent les troubles émotifs chevauchent les zones du cerveau qui gèrent capacité de percevoir ce que l'autre pense.


Source:Department of Brain and Cognitive Sciences, MIT, Cambridge « The power of being heard”, Journal of Experimental Social Psychology Available online 2 March 2012 doi.org/10.1016/j.jesp.2012.02.017The power of being heard: The benefits of perspective-giving' in the context of intergroup conflict” (visuel © BestPhotoStudio - Fotolia.com)


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