La naissance du Gekiga, vécue de l’intérieur !
Le premier tome, qui brossait le portrait d’Hiroshi Katsumi (qui n’est autre que l’auteur lui-même) lors d’une adolescence au sein d’une famille qui a du mal à joindre les deux bouts et en compagnie d’une frère aîné malade et jaloux, permettait surtout de découvrir les éléments fondateurs de la carrière de ce mangaka de renom. Ce deuxième volet montre un auteur qui peut enfin vivre de sa passion, mais qui continue de s’interroger sur la route qu’il doit emprunter. Au fil des pages, cet homme qui vit ses premiers émois amoureux continue de remettre son travail en question, peaufinant progressivement sa vision du manga.
L’aspect autobiographique de cette œuvre permet au lecteur de vivre l’avènement du mouvement gekiga de l’intérieur. Né de la passion d’une poignée de jeunes auteurs, ce nouveau genre qui privilégie des récits plus longs, plus réalistes et plus sérieux s’impose progressivement lors du boom qu’a connu le manga au Japon après la Deuxième Guerre Mondiale. Au-delà de la genèse du style gekiga, ce deuxième tome permet de découvrir la révolution du marché du manga lors des années 50-60, offrant ainsi un éclairage nouveau sur le monde de l’édition du temps des librairies de prêt. Mais ce qui fait toute la saveur et la force de cette rétrospective est le ton nostalgique qui se dégage de cette œuvre. Le regard de cet homme âgé, soixante ans après les faits, sur l’une des périodes les plus novatrices qu’ont connu le manga et le Japon, est empli de sagesse et de justesse.
Situé dans les années 50-60, le récit dresse également le portrait d’un Japon d’après guerre, en pleine reconstruction. Cette page d’Histoire relate en effet brièvement les événements culturels, politiques, sportifs et cinématographiques clés de ce pays en pleine mutation. Si cette œuvre est d’une grande richesse culturelle et historique, le trait limpide et la mise en scène forcément cinématographique de Yohihiro Tatsumi, rendent l’ensemble extrêmement lisible et digeste.
Récompensé par le Grand prix du prix culturel Osamu Tezuka en 2009 et par un Will Eisner Award en 2010, cette petite perle servira également de base à un film d’animation réalisé par Eric Khoo, dont voici la bande annonce :