Le cinéma d’Hitchcock au service de la psychanalyse... Rêves, complexes, paranoïa, refoulement, amnésie, divans, équipe de docteurs analystes... C’est tout le sujet du film « la Maison du docteur Edwardes ». Autre atout, les vertiges de l’imaginaire sont à l’honneur dans ce film inclassable, à mi-chemin entre l’intrigue policière et le suspense psychanalytique, moitié naturaliste et moitié surréaliste qui exploite par exemple une peinture de Dali en toile de fond au rêve du personnage principal, le faux docteur Edwards, John Ballantine, incarné par Grégory Peck.
Ténébreux et séduisant, l’étrange médecin semble avoir voulu dissimuler le crime d’un dénommé Edwardes, spécialiste du complexe de culpabilité, en lui dérobant son identité. Ainsi, il est en mesure, au début du film, de prendre sa place en qualité de directeur de clinique.
Mais la seule femme qui exerce dans la clinique (docteur Constance Petersen, interprétée par Ingrid Bergman) tombe amoureuse de lui et décèle en ce fascinant et fragile collègue un profond malaise existentiel. Il faut le reconnaître : le prétendu docteur Edwardes n’est pas à la hauteur du poste qu’il occupe... et son imposture puis sa culpabilité dans l’assassinat finissent par éclater au grand jour. Les choses pourraient s’arrêter là, au pied du télésiège... Mais, guidée par l’instinct du psychanalyste et par l’amour immaculé qu’elle voue à John, le docteur Petersen entreprend de prouver son innocence.
Il souffre d’amnésie et ne se souvient pas des circonstances du drame auquel il a été mêlé lors du décès du docteur Edwardes, dans une petite station de ski... Dès qu’il voit des traces noires sur fond blanc, tissu de robe, dessin de nappe, motif de couverture, il ressent aussitôt un malaise qui l’envahit et lui embue l’esprit au point de le rendre dangereux. Par un examen obstiné du patient, l’impatiente doctoresse parvient à remonter le passé et la pente neigeuse.
Il suffit pour cela de trouver la clé, et soudain les portes s’ouvrent (comme le montrent les images du film, mais au sujet cette fois du complexe de la doctoresse un brin frigide, lancée sur le hors-piste de l’amour !) Comme souvent chez le docteur Freud, tout vient de l’enfance. Le petit John Ballantine jouait et, par accident, a causé la mort de son frère. Ce drame est à l’origine du tourment de culpabilité qui opère en lui de façon sourde et opiniâtre. Et quelques vingt ans plus tard, les circonstances de la mort du docteur Edwardes rejouent étrangement les conditions de la scène originelle. Descente à ski et chute dans le précipice... De la paire de ski à l’avalanche du divan, il n’y a qu’un saut.