Et voilà François Hollande pris au piège de la stratégie du boa constrictor. Une campagne socialiste rendue atone par les persiflements présidentiels dont la lancinante rengaine pourrait être "aie confiance en moi". Face aux mensonges et au culot dans une étrange amnésie générale, le candidat socialiste et sa normalité sont bien à la peine.
La normalisation des idées d'extrême droite distillées depuis le sommet de l'Etat agit comme un lent poison dont le premier effet est d'anesthésier une société française vieillissante en panne de combativité. Mais quelle est donc cette campagne présidentielle où l'on ne discute ni économie ni Europe mais viande Halal ? Où sont passé les républicains de droite et de gauche quand jour après jours les paroles présidentielles tels des coups de burins répétés ont fait disparaître le mot fraternité des frontons des édifices publics ?
Tel le boa, Sarkozy a resserré son étreinte sur la société française. Il a surtout relégué, dans un populisme outrancier, les intellectuels avec la princesse de Clèves aux oubliettes de la pensée, préférant alimenter le débat public par les faits divers et le culte de l'argent.
La Lepenisation des esprits, menace suprême agitée il y a quelques années, est devenue après cinq années de sarkozysme une banale réalité. A l'image d'une grande partie de l'Europe, la question de l'immigration est désormais une pensée obsédante, perçue comme une menace et non une chance, sinon une obligation, pour une civilisation sur le déclin.
Si ce n'est la mort du petit cheval, c'est bien d'un effondrement moral dont il faut parler, un renoncement consenti qui n'ose encore dire son nom à l'héritage des Lumières.
"Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux" disait Benjamin Franklin. Projeter nos angoisses sur la question de l'immigration ne constitue qu'un dérivatif illusoire. Lier immigration et insécurité, c'est facile et ça peur rapporter électoralement gros même si c'est factuellement faux.
En jouant la ligne Buisson contre la ligne Guéant Sarkozy démontre qu'il a le flair d'un grand fauve politique. Reste que la défense de nos valeurs passe par leur retranscription et leur reformulation dans la société du 21ème siècle. Pas par l'attachement nostalgique à un monde qui a vécu et que nous ne retrouverons plus.