Limonov, héros du dernier livre d'Emmanuel Carrère, représente une synthèse excitante, et d'une certaine façon très traditionnelle, de l'écrivain tel qu'on le concevait autrefois.
Flibustier, aventurier, homme à femmes, homosexuel intermittent, poète, cosmopolite, guerrier, chef de parti, romancier… il a coiffé bien des casquettes dans sa longue vie (il n'est plus très loin des 70 ans).
Il a connu la gloire, l'oubli, l'aisance, la misère, la haine, la jalousie, sans jamais se départir d'un vitalisme et d'une foi en lui-même et ses idées. Voilà qui nous change agréablement de l'écrivain français, professeur ou journaliste, empli de certitudes et revenu de tout sans être allé jamais nulle part.
On songe à ces auteurs d'autrefois, français ou américains, Céline, Cendrars, Bukowski ou Miller qui savaient mettre leur peau au bout de leurs idées sans presque y prendre garde…
L'essentiel, avec Limonov, n'est pas d'être d'accord ou pas avec ses idées politiques. Non, l'essentiel, c'est de voir comment on devient écrivain, comment on écrit des livres en partant de sa propre vie, de ses amours, de ces rêves, de ces échecs, et d'en nourrir son œuvre, en puisant à la source de l'existence.
En tant qu'auteur indépendant, vous n'avez pas nécessairement besoin de barouder en Serbie ou d'avoir une expérience gay dans un ghetto américain pour pondre de bons livres.
Il vous suffit de sortir de chez vous, de remettre en cause la doxa que l'on nous déverse quotidiennement dessus par médias interposés : allez parler aux autres, écoutez-les, rencontrez des riches, des pauvres, des privilégiés et des exclus, redécouvrez les forêts et les plages désertes, perdez-vous dans les plaines de Pologne ou de Sibérie ne serait-ce que quelques jours.
Fuyez les professeurs de morale, ne croyez que votre expérience et votre mémoire, et couchez enfin sur le papier vos souvenirs, vos peurs et vos émois. C'est ainsi qu'on écrit des livres qui survivront plus de trois semaines à un étal d'une librairie germanopratine…