La Dame en noir est un événement en soi. Non pas que le film soit attendu plus que cela, ni que ce soit un grand réalisateur derrière la caméra. Ici, c’est du côté de la production qu’il faut regarder. En effet, le métrage réactive un studio important. La Hammer était célèbre dans les années 60 pour son implication dans les films de genre où la qualité était au rendez-vous. Terence Fisher, Freddie Francis, Christopher Lee ou Peter Cushing en étaient les portes drapeaux. Mieux encore, ils étaient des stars. Il est donc bon de revoir ces lettres dans un générique.
Pourtant, à la vision du film, le spectateur peut se demander où est passé l’héritage de la Hammer. En effet, les interprétations et analyses qui peuvent être faites de La Dame en noir ne rentrent pas dans les grilles de lecture spécifiques à la Hammer. Les monstres mythiques (Dracula ou Frankeinstein pour ne citer que les plus célèbres) et les principales thématiques ne sont pas au cahier des charges. Le spectateur suit, en fait, le parcours d’un jeune notaire, veuf de surcroît, qui doit étudier la succession d’une vieille demeure hantée par le fantôme d’une femme déchue. Notons que le personnage principal est interprété par un Daniel Radcliffe convaincant qui ouvre son registre après les Harry Potter. C’est une agréable initiative qu’il faut saluer. Avec ce postulat scénaristique, La Dame en noir lorgne davantage du côté du cinéma fantastique espagnol dont le magnifique L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona est l’un des étendards récents. Cette thématique repose davantage sur le ressort psychologique et humain que sur des sous-textes viscérales. Rien de nouveau donc à l’horizon, les tenants et les aboutissants de tels propos étant beaucoup plus maîtrisés chez les cinéastes ibériques. Que faut-il donc attendre alors de La Dame en noir ? La réponse : un simple film d’exploitation qui remplit son but premier, celui de faire frissonner. En effet, si une remarque est évidente, c’est bien que le film scotche le spectateur à son siège et fait monter une tension qui n’est pas déplaisante grâce à certaines séquences bien travaillées. On peut cependant voir dans la réactivation du studio une volonté mercantile susceptible de plaire aux amateurs de films de genre. Cette approche est clairement une déception. Il ne faut donc pas être mauvaise langue devant le film au risque de le trouver cynique.
S’il ne respecte pas les codes principaux de la Hammer, le métrage reste majoritairement respectueux d’un cinéma de genre classique. C’est sa grande force. La maison, de style gothique, est suffisamment inquiétante et les jeux avec le décor sont nombreux. La photographie arrive à jouer avec succès sur les recoins sombres et certains artifices de montage sont diablement efficaces grâce à un découpage cut. Pourtant, la mise en scène, même si elle se révèle efficace, aurait gagné à plus d’ampleur. A ce titre, des mouvements de caméra, tel que le travelling, ne sont pas suffisamment employés alors qu’ils sont des figures imparables du cinéma d’horreur dans l’exploration spatiale. John Carpenter est là pour en témoigner. La géographie de l’univers n’est donc pas traitée de manière optimale et aurait mérité également une étude plus en profondeur. Le traitement sonore souffre de ce même problème de l’entre deux formel. Alors que le hors champ remplit parfaitement sa mission de questionnement de l’étrangeté, certains effets peuvent être parfois trop appuyés car ils surlignent l’image plus qu’ils ne l’accompagnent. Bien entendu, le résultat horrifique est au rendez-vous. Néanmoins, une certaine forme d’économie aurait été la bienvenue, surtout venant de la part d’un film qui se veut classique. La conclusion de ce traitement est simple. Le métrage souffre en fait d’un cruel manque de confiance en lui, surtout quand les dialogues, notamment à la fin, sur-expliquent ce qui se trame à l’écran. Cela ne lui rend définitivement pas service. C’est dommage.
Ne boudons cependant pas notre plaisir devant cette Dame en noir. S’il possède des défauts et qu’il apparaît mineur dans la cinématographie de genre et de la Hammer, il est quand même bon de se retrouver devant un film qui rappelle que le classicisme peut amener plus d’effroi que les déferlantes modernisantes qui tendent à jouer la surenchère. Cette démarche mérite d’être saluée.