Elle vit seule à Tokyo, après avoir vécu, six ans auparavant, dans une résidence universitaire très fréquentée car bon marché et bien tenue par un directeur handicapé auquel il manque les deux bras et une jambe.
Elle accueille un cousin lointain qu’elle n’a pas revu depuis quinze ans. Il veut à son tour une chambre dans cette cité universitaire dont on lui a dit du bien. Elle l’aide à acheter les affaires dont il aura besoin et le présente au directeur à qui elle a téléphoné pour obtenir une place.
Elle trouve un grand changement car la cité est désormais déserte et le directeur qui y réside toujours seul, comme autrefois, semble bien mal en point.
Elle revient régulièrement voir son cousin bien qu’il soit absent à chacune de ses visites. Elle devient alors une sorte de garde-malade pour le vieux propriétaire de la résidence qui finit par rester alité.
Il lui apprend que, selon une rumeur, le dernier des étudiants logés chez lui aurait mystérieusement disparu comme semblerait s’être évaporé le cousin de la jeune femme.
«La résidence est en train de subir une déstructuration particulière.»
C’est là qu’interviennent les abeilles mais c’est aussi là que je dois m’arrêter si je ne veux pas spoiler.
J’ai retrouvé dans ce récit le même inquiétant et mystérieux enchaînement de petits faits, apparemment anodins, de la vie quotidienne, la même solitude des protagonistes et le même désarroi devant l’explication finale, inattendue et dérangeante une fois de plus. Alors je relis le commencement de l’histoire qui m’avait semblé obscur mais si tout s’éclaire sur le plan rationnel ce n’est que pour mieux s’obscurcir quant aux véritables causes.
Mystères du corps et de l’esprit humain.
Mystère des vies plus solitaires que celles de naufragés sur leurs îles.
Il n'y a pas si longtemps que je me suis aperçue de l'existence de ce bruit... Je n'en connais pas la cause, mais je le sens là, immobile sur la bande de perception du son qui me relie directement au passé. ...C'est là que se trouve la vieille résidence universitaire. ...Je peux véritablement saisir qu'un souffle humain est contenu dans ce béton à moitié délabré. Son rythme et sa chaleur pénètrent tranquillement au travers de ma peau. (début du texte) Et le miel continuait de couler inlassablement, au-delà de mes doigts. (dernière phrase)Qu'est-il arrivé entre temps? Je reste perplexe.
Les abeilles de Yoko Ogawa, 1991, traduction du japonais par Rose-Marie Makino
(Thesaurus, Actes Sud, T1, p.161 à 196)