Et sur le web, un troll désigne un message à caractère provocateur qui vise à nourrir artificiellement une polémique. Je pense que lorsque l’on parle santé, diététique ou médecine, on a une chance sur deux de faire le troll.
En date donc, et au banc des accusés, voici l’aluminium. Et dernièrement encore, l’aluminium en a pris pour son grade. Qu’il s’agisse des taux anormalement élevés d’aluminium dans l’eau potabilisée ou dans les déodorants (qu’il faut nommer anti-perspirants pour faire plus savant, y a des modes vous savez) on parle beaucoup de lui.
A raison d’ailleurs car l’aluminium il en faut pour vivre (si si, comme tout oligo-élément) mais point trop.
Tout est poison. Rien n’est poison. Tout est dans la dose. Et cinq siècles plus tard… Sacré Paracelse !
Pour l’aluminium, il se trouve que les doses sont bien connues. L’Organisation Mondiale de la Santé a fixé une norme pour la consommation maximale d’aluminium à 1 milligrammes (mg) par kilo de poids corporel et par jour, soit 60 mg par jour pour un adulte de 60 kg.
Sachant que les épinards en contiennent 20 mg par kilo (dixit le lobby de l’aluminium, au joli nom de Aluminium pour les générations futures) vous savez désormais qu’il n» est pas souhaitable d’imiter Popeye en avalant 3 kilos d’épinards. Au passage, si vous n’étiez pas au courant, les épinards ne sont pas si riches en fer que cela; c’est une drôle d’histoire de virgule. Ah ! A quoi ca tient la science ! L’honneur des épinards fut sauf quand même: c’est le champion dans la catégorie légume… ais ca reste dix fois moins que certaines viandes et de toute façon moins que le blé.
Maintenant que l’on connaît la limite supérieure, que l’on sait aussi qu’une alimentation variée évitera forcément une carence en aluminium, il faut s’intéresser aux sources cachées de l’aluminium.
En clair, jusqu’à récemment,les aliments étaient notre seule source d’apports. Une rapide bibliographie permet de lister d’autres apports liés à la modernité:
- L’eau potable. On en a parlé. L’alun sulfate d’aluminium et le chlorure de polyaluminium utilisés dans les stations d’eau potable fournissent un aspect bleuté à l’eau du robinet et un bon sujet de polémique sanitaire
- Les adjuvants de vaccin. Pareil, polémique sur l’emploi des oxydes d’aluminium qu’on retrouve dans des vaccins très courants (INFANRIX, HEXAVAC, TETRACOQ et c’est par là pour en savoir pourquoi on met cela dans les vaccins et réaliser que les doses sont relativement faibles par rapport à l’alimentation.)
- des médicaments, notamment des anti-acides qu’il faudrait tout simplement proscrire !
- Les additifs alimentaires. Là ca craint vraiment. Colorant E173 à bannir et anti-coagulants E520-523, E541, E554-559 E559. Franchement ! Au lieu de mémoriser cela, évitez simplement de manger des produits avec ds compositions si complexes…
- Les inhalations liés à l’industrie. Concerne évidemment les ouvriers exposés à l’industrie de l’aluminium. Signalons aussi les pesticides, notamment le phosphure d’aluminium, qui évidemment tue les rongeurs et plus gros si affinité.
- La cuisson en papillote (papier alu oblige), la cuisson sur du téflon usagé, le conditionnement sous alu de produits acides.
- Enfin les cosmétiques et notamment les
déodorantsantiperspirants.
Un peu de chimie pour comprendre ce beau débat qui s’annonce sur la nocivité des sels d’aluminium. L’aluminium se trouve le plus souvent sous forme d’ion, c’est à dire combiné avec un autre ion. Cet autre ion peut être un phosphure (cf supra), un phosphate, un chlorure, un oxyde, un hydroxyde etc. Et joie de la chimie, chaque combinaison n’a pas le même comportement.
Ainsi, la polémique sur les déodorants et leurs sels d’aluminium vise en réalité le chlorhydrate d’aluminium.
Aqua-alcohol-denat-aluminium-chlorohydrate-parfum-PPG 26-Bureth 26-PEG 40 hydrogenated castor oil-linalool-geraniol-punica granatum-punica granatum extract-amyl cinnamal-limonene-hydroxyethyl cellulose-citronellol-citral-hexyl cinnamal (FIL C24880/1)
Et bien oui vous l’aurez reconnu, il y a du chlorohydrate d’aluminium (et aussi du PEG mais bon on va pas en rajouter)
Or le problème de ce sel ci d’aluminium, c’est qu’il est suspecté de refourguer allègrement tout son aluminium à travers la peau et que, bizarrement, l’organisme est encore plus réceptif à l’aluminium par la voie cutanée. Bref, à ce compte, il vaudrait mieux anger votre déodorant.
Et des suspicions sérieuses existent sur un lien entre aluminium et cancer du sein et Parkinson et SLA. Mais ca vous le savez, même la télévision en a parlé…
Or, tout dernièrement, je feuillette un journal gratuit abandonné sur la banquette d’un véhicule métropolitain quand je lis une pleine page qui effectue cette piqûre de rappel.
Bla bla déodorant, bla bla cancer du sein, bla bla bla sels d’aluminium, bla bla bla Parkinson.
Je dis « bla bla» de manière un peu provocante car la polémique est vieille et chez eco-SAPIENS, on la connaît depuis des années. Même que Unilever avait acheté le domaine www.toutsurlesdeodorants.com, comme il se doit quand on veut riposter à une polémique de salubrité publique (cf bpa, paraben, phthalates et alii) pour fourguer des vidéos de pharmaciens, de cancérologues expliquement doctement que la dangerosité était infondée. Incroyable non. C’était en 2010 et on écrit sans ambage « L’utilisation d’anti-transpirants ne constitue pas un risque de cancer du sein« .
Indignez-vous de ce qu'on vous met sous les Hessel !
Mieux, on voit défiler un quizz avec la question : « La pierre d’alun ne contient pas de sel d’aluminium. Vrai ou Faux ?»
Si vous avez bien suivi, la réponse est évidente. Comme son nom l’indique, l’alun contient de l’aluminium, et comme l’alun n’est pas un bête bloc d’aluminium métal, c’est forcément sous forme de sel. Et vlan ! Voilà comment on communique chez Unilever.
1) Les sels d’aluminium ne donnent pas de cancer du sein
2) Et même que si c’était vrai, regardez donc aussi le truc naturel de décroissant là ! Ca aussi ca contient des sels d’aluminiu. Donc si on plonge, la pierre d’alun plonge aussi.
Je nie d’abord. Je fais plonger les autres ensuite si l’on me prend la main dans le sac.
Sauf que… comme vous avez bien suivi, vous avez compris que les sels d’aluminium n’étaient pas les mêmes. Chez unilever (et l’Oréal et les autres) ce sont des chlorydrates d’aluminium; dans l’autre ce sont des hydroxydes d’aluminium (sous forme de sulfate). Pas de bol, ces derniers sont réputés inertes, c’est à dire être franchement réticents à refourguer leurs ions.
Une phrase comme
Rappelons que le sel d’aluminium est le composant qui a créé la polémique à propos d’un lien entre son utilisation et le développement de cancers du sein.
est formidablement fallacieuse. Car ce ne sont pas tous le sel mais un sel qui créé la polémique.
Et c’est d’autant plus compliqué qu’il existe deux type de pierre d’alun. La pierre d’alun naturelle (potassium) à l’instant mentionnée et la pierre d’alun synthétique (ammonium) qui, on s’en doute, n’est pas de même composition et contient effectivement des chlorhydrates d’aluminium.
Malheureusement, un rebondissement survient. Et je le découvre dans cet article issu d’un journal gratuit. « L’alun n’est pas une alternative saine» admoneste Laurence Wittner, rédactrice en chef du site L’Observatoire des Cosmétiques.
Le nom d’observatoire est un peu présomptueux au passage puisque, si la mission est louable et que nous pourrions reprendre beaucoup d’analyses à notre compte, on ne peut pas dire que l’information soit ouverte. Ainsi, voulant en avoir plus à partir de cette phrase
Quatre chercheurs reconnus ont montré que le processus chimique qui se produit au contact de la sueur et de son pH libère l’aluminium au contact de la peau. Que la pierre d’alun soit synthétique ou naturelle, les risques sont les même.
Le glas a sonné. Et je veux donc accéder à cette étude pour en avoir le coeur net. La pierre d’alun, utilisée depuis l’antiquité, présente les mêmes risques que la cosmétox. Un mythe s’effondre.
Malheureusement, je ne pourrai me sustenter; l’article est payant et, au vu des commentaires, on a pas accès à l’étude du professeur Roger Deloncle. Mais un doute me titille.
Pourquoi toute la littérature sur les oxydes d’aluminium prétend-elle que ceux -ci sont inertes. Je suis même allé retrouver l’échelle des potentiels standards (ah.. souvenirs de chimie à l’école) pour voir si les ions lactate pouvaient solubiliser l’aluminium. Je vous épargne ces histoires d’oxydo-réduction mais contentez vous de savoir que le réducteur Lactate CH3-CH(OH)-COO– aura du mal à faire quoi que ce soit avec l’Oxydant Hydroxyde d’aluminium (III) Al(OH)3 car la différence de potentiel est -2,12 ce qui est énormément négatif. Et une réaction implique qu’au moins la différence soit positive.
Bref mes rudiments de chimie et une ambiguité dans cette étude me laisse penser que la messe est loin d’être dite.
En attendant, contrairement à l’article de Métro qui en profite pour conseiller (avec l’observatoire des cosmétiques) 5 déodorants sans sels d’aluminium (Bourjois, Dr Haushka, Weleda, Cattier et Dermaclay) je ne peux que faire cette conclusion de bon sens : ne mettez pas de déodorants !
Laissez votre peau respirer et si ca pue, lavez vous les aisselles. C’est si bon de puer au naturel.
Cordialement.