contrats d'achat d'énergie renouvelable : arrêt du 21 mars 2012 du Conseil d'Etat

Publié le 23 mars 2012 par Arnaudgossement

Le Conseil d'Etat vient de rendre, ce 21 mars 2012, un arrêt important pour l'étude du régime juridique des contrats d'achat d'électricité verte. Commentaire. 


Dans cette affaire, la société EDF avait saisi le Conseil d'Etat d'un recours tendant à l'annulation de l'article 8 de l'Ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie. 

Que dit cet article 8 ?

"Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 314-7 du code de l'énergie ne sont pas applicables aux contrats d'achat d'électricité conclus avant le 14 juillet 2010."

Le premier alinéa de l'article L.314-7 du code de l'énergie dispose quant à lui : 

"Les contrats conclus en application de la présente section par Electricité de France et les entreprises locales de distribution sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature". 

Cette disposition est issue de la loi du 12 juillet 2012 portant engagement national pour l'environnement. Elle avait été introduite dans le projet de loi, sur proposition d'amendement du Gouvernement, au dernier instant des débats parlementaires. Cette disposition était largement destinée à faire échec à un contentieux en cours devant le Tribunal de commerce. 

En toute hypothèse, aux termes de ce premier alinéa de l'article L.314-7 du code de l'énergie, les contrats d'achat d'énergie sont des contrats administratifs et n'engagent les parties qu'à compter de leur signature. En clair : la sécurité juridique du tarif d'achat n'est assurée qu'à compter de la double signature du contrat d'achat et les litiges afférents à leur conclusion ou à leur exécution relèvent du Juge administratif. 

Aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 9 mai 2011, cette qualification des contrats d'achat ne s'applique cependant aux contrats conclus avant le 14 juillet 2010, soit avant l'entrée en vigueur de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010.

Or, EDF soutenait que les contrats d'achat ont toujours été des contrats administratifs et demandait donc que l'article 8 précité soit supprimé.

Le Conseil d'Etat accueille le recours et annule l'article 8 de l'ordonnance du 9 mai 2011 au motif, d'une part que cette ordonnance ne pouvait produire d'effets de droit pour des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur, d'autre part que le Gouvernement a excédé l'habilitation donnée par le législateur pour procéder à la composition du code de l'énergie, en abrogeant ainsi les dispositions de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, prévoyant un régime de droit administratif pour les contrats d'achat d'énergie renouvelable. 

En conséquence, les contrats conclus avant ou aprés le 1er juin 2011 - date d'entrée en vigueur de l'ordonnance de codification - sont des contrats administratifs qui n'engagent les parties - dont l'AOA - qu'à compter de leur double signature. 

Les producteurs qui subissent actuellement des retards de paiement savent donc à quel juge s'adresser. 

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Conseil d'État 

N° 349415 

Publié au recueil Lebon 

9ème et 10ème sous-sections réunies 

M. Philippe Martin, président 

M. Matthieu Schlesinger, rapporteur 

M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public 

Lecture du mercredi 21 mars 2012

REPUBLIQUE FRANCAISE 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE EDF, dont le siège est 22-30, avenue de Wagram à Paris (75008), représentée par son secrétaire général ; la SOCIETE EDF demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 8 de l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie ; 

Vu les autres pièces du dossier ; 

Vu la Constitution ; 

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ; 

Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ; 

Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ; 

Vu le code de l'énergie ; 

Vu le code de justice administrative ; 

 Après avoir entendu en séance publique : 

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,  

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; 

Considérant qu'aux termes du I de l'article 92 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures : "Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à la création de la partie législative (...) du code de l'énergie (...) / Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous réserve des modifications nécessaires : / 1° Pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ; (...)" ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartenait au Gouvernement d'apporter aux dispositions législatives qu'il codifiait les modifications nécessaires pour assurer le respect par ces dispositions, à la date de cette codification, de la hiérarchie des normes ; qu'en revanche, il ne tenait pas de cette habilitation le pouvoir de remédier, pour le passé, indépendamment de toute codification, à une éventuelle méconnaissance par les mêmes dispositions législatives des règles et principes de valeur constitutionnelle ou des traités internationaux ; 

Considérant qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, dans sa rédaction issue du III de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : "Les contrats régis par le présent article sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature. Le présent alinéa a un caractère interprétatif" ; que l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 12 mai 2009, a codifié cette disposition au premier alinéa de l'article L. 314-7 du code de l'énergie, ainsi rédigé : "Les contrats conclus en application de la présente section par Electricité de France et les entreprises locales de distribution sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature" ; qu'aux termes de l'article 8 de cette ordonnance : "Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 314-7 du code de l'énergie ne sont pas applicables aux contrats d'achat d'électricité conclus avant le 14 juillet 2010" ; 

Considérant que, en l'absence de disposition expresse ou d'impératif d'ordre public, la loi nouvelle ne s'applique pas aux situations contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur ; que, par suite, les dispositions du premier alinéa de l'article L. 314-7 du code de l'énergie, qui ne comportent pas de mention selon laquelle elles auraient un caractère interprétatif, ont vocation à s'appliquer aux seuls contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance attaquée, soit le 1er juin 2011 ; que, dès lors, elles n'ont aucune portée rétroactive ; que les contrats conclus avant le 1er juin 2011 continuent d'être régis par les dispositions antérieurement en vigueur, quand bien même celles-ci ont été abrogées ; qu'il suit de là que l'auteur de l'ordonnance attaquée n'avait aucunement besoin de limiter la portée rétroactive des dispositions de l'article L. 314-7 du code de l'énergie pour assurer le respect de la hiérarchie des normes ; que si, par les dispositions de l'article 8 en litige, il a, en réalité, entendu prévoir que les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, dans sa rédaction issue du III de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010, ne soient pas applicables aux contrats d'achat d'électricité conclus avant le 14 juillet 2010, il n'appartenait pas au Gouvernement, dans le cadre de l'habilitation qui lui avait été conférée par l'article 92 de la loi du 12 mai 2009 précité, de remédier à l'éventuelle contrariété à la hiérarchie des normes des dispositions du III de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010, en tant qu'elles continuent de s'appliquer à des contrats non régis par les dispositions codifiées ; que, par suite, l'article 8 de l'ordonnance attaquée méconnaît les dispositions de l'article 92 de la loi du 12 mai 2009 et doit, pour ce motif, être annulé ; 

D E C I D E : 

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Article 1er : L'article 8 de l'ordonnance du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie est annulé. 

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EDF, au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.