Rappelons tout d'abord que le "Rapporteur public" est un membre indépendant d'une juridiction administrative qui a vocation à proposer, au cours de l'audience publique, une solution à la formation de jugement qui rendra son jugement ou son arrêt, plusieurs semaines aprés.
A titre liminaire, soulignons également qu'il convient de ne jamais opérer de rapprochement entre des procédures contentieuses très différentes du point de vue juridique même si leur point commun - le seul - concerne l'énergie renouvelable.
Rappelons une fois de plus que saisir le Juge est un droit qu'il est au demeurant indispensable d'exercer lorsque l'on défend les énergies renouvelables sans l'abandonner toujours à ceux qui s'y opposent. Contrairement à certaines rumeurs, les recours contre les arrêtés tarifaires solaire n'auront rien déstabilisé du tout mais simplement permis de saisir le Juge de questions de droit essentielles. Loin de moi l'idée que le recours au Juge est toujours à préconiser : un équilibre doit toujours être recherché entre la recherche de solutions amiables et la nécessaire défense de se droits.
Au cas présent, plusieurs producteurs défendus par plusieurs avocats dont j'étais, ont saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'annulation des arrêtés tarifaires du 12 janvier 2010 et du 16 mars 2010. Il faut remercier ces requérants car l'introduction de ces recours a démontré à elle seule que de nombreux professionnels n'entendaient pas accepter cette baisse brutale et rétroactive des tarifs d'achats de l'électricité solaire, anciennement fixés par un arrêté du 10 juillet 2006.
Le motif de cette baisse était officiellement lié à l'urgence de mettre un terme à une "bulle spéculative". En réalité, il existait à l'évidence d'autres moyens de réguler efficacement une filière très jeune que de multiplier tout au long de l'année 2010 les textes et les baisses tarifaires qui ont finalement mené à un moratoire de trois mois.
Des recours étaient donc indispensables et personne ne peut imaginer qu'aucun professionnel ne saisisse le Conseil d'Etat alors que ces arrêtés étaient dans le même temps justement dénoncés et objectivement inacceptables.
Au passage, notons que les recours contre les arrêtés tarifaires de janvier et mars 2010 ont été inscrits au rôle de l'audience publique du Conseil d'Etat bien aprés ceux relatifs au décret moratoire du 9 décembre 2010.
En toute hypothèse, les premiers ont été inscrits au rôle de l'audience du 21 mars à 14h. Lors de cette audience,le rapporteur public a principalement conclut :
"- à l’annulation des points 2 de l’annexe 1 et du 1.1. de l’annexe 2 de l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 en tant qu’ils ont respectivement fixé des montants et règles d’éligibilité pour la prime d’intégration au bâti, de manière différenciée par rapport aux autres bâtiments, s’agissant du premier point, en faveur des bâtiment à usage principal d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, d’enseignement ou de santé, et s’agissant du 2nd point, en faveur des bâtiments à usage principal d’habitation;
- à l’annulation des articles 2 et 4 de l’arrêté du 16 mars 2010 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil en tant qu’ils ont prévu l’application des conditions d’achat précédemment annulées
- à l’annulation, dans la même mesure, des décisions implicites de rejet des demandes de retrait des deux arrêtés;
- à ce qu’il soit enjoint au gouvernement de fixer, dans un délai de six mois, les montants et conditions d’éligibilité de la prime d’intégration au bâti pour assurer le respect, par les dispositions partiellement annulées, du principe d’égalité ;
- à ce que les annulations prononcées prennent effet pour l’électricité produite à compter de l’adoption des dispositions précitées ou, à défaut, de l’expiration du délai susmentionné de 6 mois, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur le fondement des dispositions annulées :
- et, enfin, au rejet du surplus des conclusions des requêtes."
Il n'est bien sûr pas possible de savoir si le Rapporteur public sera suivi dans ses conclusions par le Conseil d'Etat. Pour l'heure, ces conclusions proposent
- d'une part, une annulation partielle des arrêtés du 12 janvier et du 16 mars en tant qu'ils opèreraient une distinction injustifiée entre bâtiments
- d'autre part, de moduler l'effet rétroactif d'une annulation contentieuse.
Ce dernier point est important. A l'époque où ont été introduits les recours, il avait été prétendu - à tort - que cela n'était pas opportun car l'annulation des arrêtés tarifaires auraient créé une situation de vide juridique préjudiciable...pour les producteurs. En clair, les recours se seraient retournés contre leurs auteurs, ce qui n'a bien entendu pas de sens car en cas d'annulation des arrêtés tarifaires de janvier et mars 2010, ce sont les dispositions de l'arrêté de 2006 qui auraient été réactivées. Comprenons nous bien : déposer un recours contre une décision qui vous est préjudiciable serait donc...une mauvaise idée. C'est surtout une idée fausse.
En toute hypothèse, le 21 mars, le Rapporteur public a proposé que l'annulation partielle des arrêtés tarifaires entrepris ne produise pas d'effet rétroactif. Le principe est qu'une décision administrative annulée par le Juge administratif disparaît rétroactivement de l'ordonnancement juridique et ce, depuis son origine. Elle est censée n'avoir jamais existé. Or, aux termes d'un arrêt rendu en 2004 ("Association AC!"), le Conseil d'Etat a jugé qu'il lui appartient de modifier l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse lorsque celui-ci est susceptible de produire des conséquences manifestement excessives.
Aux termes d'une "mesure supplémentaire d'instruction" adressée à toutes les parties peu avant l'audience publique du 21 mars, le Conseil d'Etat a invité l'Etat à démontrer qu'une annulation réatroactive des arrêtés tarifaires de janvier et mars 2010 produirait de telles conséquences. Or, l'Etat, on le sait, s'est toujours montré réticent à publier des données précises qui auraient démontré l'impérieuse nécessité ou l'ardente obligation de procéder à ces baisses tarifaires rétroactives.
Les recours auront donc eu pour mérite premier de contraindre l'Etat à s'expliquer.
Si le Rapporteur public était suivi dans ses conclusions, cela représenterait, certes pas une révolution mais à tout le moins une bonne nouvelle pour les producteurs d'énergie solaire, en termes d'enseignement pour l'avenir. En effet une telle décision démontrerait que le Gouvernement n'a pas agi de manière tout à fait rationnelle et légale face à une situation qu'il dénonçait comme irrationnelle. Cette décision contraindrait l'Etat à mieux définir et justifier ses critères de définition des tarifs d'achat.
Je commenterai bien entendu l'arrêt du Conseil d'Etat dés publication. Une chose est d'ores et déjà certaine : la défense des énergies renouvelables est un combat.