J’ai reçu ma facture d’électricité - Episode 2

Par Yoyolajolie

A lire sur www.caric-actu.comJe partais régler un malentendu sur ma factured’électricité à la CIE, lorsque j’ai eu le malheur de dépasser le rang pour demanderun renseignement. Déjà agacés par l’attente, des musclés voulaient me faire lapeau. Je me suis mise en mode « cabris mort n’a plus peur decouteau »…
Lesyeux fermés, les mains sur les oreilles, je me suis imaginée aplatie comme unecrêpe. J’attendais le coup de massue, et puis… J’ai juste entendu le vigilefermer la porte derrière moi en criant « Oooh c’est bon, c’est bon !Retournez dans le rang là bas ! »
-  « Ma fille, faut te tranquilliser. On esthabitué à ça ooh ! », m’a lancé l’assistante.Moncœur s’était coupé pour rien.Enbonne ivoirienne, je voulais m’affairer en regardant par la fenêtre du bureau dela Directrice commerciale tandis qu’elle allait régler mon problème. Là,j’interceptais une drôle de conversation :-  Mon frère, pardon, faut gérer ça pourmoi !? Depuis matin 7h30 je suis là, mais les guichets n’ont ouverts qu’à08h. Deux guichets sur quatre seulement. Regarde là là, il y a au moins deuxcent personnes dans le rang. On fait comment ?-  Tchè, mon ami ! Je gère pas tout çalà ! Tu dis tu veux que je gère ta facture non ? Faut bienparler !
« Fautbien parler » ça veut dire « parlons business ».

Dessin réalisé par A. Kelson 12 pour www.caric-actu.com


Hummm !Affaire de CIE ! Payer sa facture d’électricité est tellement compliqué àeffectuer que les gens sont rentrés dans « les systèmes ».
Ilssont de plusieurs types :·  Les « intermédiaires », autrement dit dessupposés agents de la CIE qui ont trouvé là un moyen d’arrondir leur fin demois avec de petits « gombos ». Ils ont soi-disant le bras assez longpour toucher les responsables ou faire accélérer le processus du paiement à lacaisse.-  « Mon frère, pardon, faut faire tu vasrégler mon problème, je vais quitter ici ! dit l’homme en glissant unbillet dans la main de l’intermédiaire.Palpantle billet, sans même le regarder, l’intermédiaire renchérit « Faut mettre crika* dessus. »-  Hééé ! s’écria-t-il dans un soupir.-  Mon frère, si tu veux que je fasse vite, fautdonner ; la caissière là, je dois donner pour elle !Il vafaire comment ? Il est 15h, le soleil tape sur son crâne chauve , ily a encore une centaine de personnes devant lui, les bureaux ferment à 16h…Ah,il a mit dessus !
·  Les « infiltrés ». Tout Petit est ce qu’on appelle uninfiltré. Très tôt le matin, il pointe à ses bureaux : les trottoirs del’agence de la CIE du coin. Il se fait passer pour un agent auprèsd’incrédules. Tous les deux mois, Ismo lui confie le règlement de la facture deson papa. Sans demander de reçu, en totale confiance, Ismo donne quelquesbillets à Tout Petit pour sedébarrasse de cette corvée.Unmatin, un agent de la CIE remet au papa de Ismo un reliquat de 200 000F CFAd’impayés. Ismo a gouté à la chicotte du vieux sur ses mollets. Tout Petit est rentré en brousse*.Malgréde nombreuses histoires de ce type, « les infiltrés » continuent desévir.
·  Les « créeurs d’émotions ». (C'est pasles créateurs hein, mais les créeurs!) Canne à la main, difficulté à sedéplacer, mine qui fait pitié, le vieillard brille en tant que comédien dans ledécor du site de la CIE. Sa condition le fait passer du dernier au premier rangen moins d’une minute. Ceux qui « voient clair » en ont fait un petitbusiness aux retombées financières non négligeables. En deux temps, troismouvements, il a réglé la dizaine de facture de sa cour commune. A chacun sondjôci ooh!
·  Les FRCILelast du last*, ce sont les FRCI. Eux, ils ont tapis rouge. Matin oooh,après-midi oohhh, à peine arrivés, ils sont les premiers servis. Même le soir,on peut rouvrir le guichet pour eux !
Bon,tout ça là, c’est pas moi qui ait dit hein ! On m’a dit !
Légende :* Crika : un billet de 1000 francsCFA.* Rentrer en brousse : disparaître,se volatiliser.* Le last : le summum.
Retrouvezle premier épisode ici.