DVA
Pretty Ugly
Hyperdub
Grande-Bretagne
Note : 9/10
par Marc Olivier Novak
Il n’y a pas si longtemps, l’album Untrue de Burial m’avait introduit à l’importance et l’étendue de ce que le critique de musique Simon Reynolds décrit comme étant le « Hardcore Continuum ». Ce dont à quoi Reynolds fait référence avec ce terme est la manière dont les producteurs de musique électronique britanniques rectifient et remanient à leur manière les styles house et techno (principalement développés aux État-Unis) année après année. C’est, par exemple, l’infusion d’influences dub, reggae, dancehall et hip-hop à la musique house et techno qui donna naissance aux genres garage, 2-step, grime et dubstep (parmi d’autres). Si jusqu’à présent vous êtes perdu, pas de problème, je le suis moi-même un peu. L’album Pretty Ugly parcontre se situe au coeur du soi-disant « Hardcore Continuum ».
Cela fait depuis novembre dernier que j’attendais la sortie de Pretty Ugly. Déjà en novembre, Hyperdub nous avait offert un avant-goût de l’album avec la sortie d’un simple contenant les morceaux Madness et Polyphonic Dreams. Madness, réalisé avec l’aide du producteur Vikter Duplaix, ne ressemblait en rien au DVA auquel j’étais personnellement habitué. Le « groove » hip-hop et la mélodie syncopée contenue dans la pièce amènent du neuf à la recette déjà gagnante qui est celle de DVA. Cette recette est constituée d’un amalgame de rythmes dansants et accessibles ornés d’éléments plus progressifs et expérimentaux. En d’autres termes: « Pretty » et « Ugly ».
Tous les morceaux contenus sur Pretty Ugly sont d’excellents exemples du concept « Pretty » et « Ugly ». Certes, Reach the Sun, qui semble servir d’introduction à l’album, ne donne pas un bon avant-goût. En général, les transitions sont soit ratées ou inexistantes sur Pretty Ugly. Mais cela importe peu puisque la musique en soi est sans pareil. L’album débute véritablement avec la chanson intitulée Pretty Ugly qui nous démontre qu’il est encore temps de s’intéresser au mouvement UKF ( UK Funky ), cousin du UKG (UK Garage). Le UK Funky comporte des motifs se limitant à des variations du rythme dem bow. DVA fait fit des conventions. Il intègre de façon très homogène le soi-disant UKF au sein du « Hardcore Continuum ». Plusieurs morceaux tels Fire Fly et Eye Know suivent, tout comme Madness mentionné plus tôt, une cadence hip-hop. Cela a pour effet de diversifier l’album et allonger considérablement sa durée de vie. Pretty Ugly n’est pas un de ces albums de musique électronique où toutes les pièces sont construites autour d’un même tempo. Les morceaux les plus témérairessont Just Vybe (VIP sortie comme simple en 2011), 33rd Degree et Pretty Ugly, morceaux qui, selon moi, risquent de faire bouger le dancefloor tout en suscitant une certaine confusion vis-à-vis du rythme ou des mélodies.
L’esthétique audiovisuelle Hyperdub contribue beaucoup à l’expérience Pretty Ugly. La production est soignée et la pochette, signée Optigram, est très élégante. L’influence du maestro Kode9 se fait aussi beaucoup entendre (excès de synthé et dissonances). En fait, le label Hyperdub est presque un genre musical en soi. DVA, quant à lui, boucle son petit chef-d’œuvre avec l’emphatique Where I Belong. Le vidéoclip présente des images du Christ tirées d’un film d’animation quelconque. Ce dernier morceau étant si grandiose, je ne peux qu’en conclure que DVA se prend pour Jesus et, avec une note presque parfaite, il a bien le droit.