Alors qu’elle rentre d’un voyage professionnel à l’étranger, Louise (Sophie Quinton) découvre que sa rue a été le théâtre d’un crime. Aucun témoin, tout le monde dormait semble-t-il. Son mari, Pierre (Yvan Attal) travaillait, il était en mer, pilote dans le port du Havre. Paraît-il. La police mène son enquête, une journaliste locale (Nicole Garcia) aussi. Une nuit, Louise rêve que Pierre lui parle et lui révèle qu’il a tout entendu du crime.
Lucas Belvaux a pris le parti de réaliser un film épuré où rien ne vient perturber la réflexion qui évolue au fur et à mesure que le film avance. Décors ternes sans être glauques pour autant. La ville du Havre, surtout son port de conteneurs vu la nuit, le quartier de béton gris mais non miséreux où se situe l’appartement de Louise et Pierre, anonyme et impersonnel. Tout est lisse dans « l’action », aucun cri (excepté le cri horrible de la victime lors de la reconstitution du crime par la police), aucune agitation ou geste brusque (sauf une gifle d’une voisine pour Pierre).
Le réalisateur nous offre un conte philosophique où rien n’est montré du crime qui s’est déroulé avant que le film ne commence. Ne reste à l’écran que le silence pesant des 38 témoins, les habitants de la rue, qui tous se sont convaincus séparément et inconsciemment, de n’avoir rien entendu de ce drame nocturne.
Parallèlement à cette chape de silence collectif, le réalisateur nous montre le couple Louise/Pierre qui s’effrite. Louise pressentant que Pierre lui cache quelque chose, Pierre tenaillé par le remords. Comme Pierre est de nature peu bavarde, ses lourds silences et ses non-dits créent une atmosphère mortifère.
Quand Pierre décide de tout dire, de ce qu’il a entendu, à la police, l’enquête prend une autre tournure car alors, si un habitant a entendu les cris, tous devaient fatalement avoir entendu eux aussi les hurlements dela victime. Maispersonne n’a rien fait, personne n’a même tenté d’appeler la police.
Pierre devient le pestiféré de son quartier, la justice pourrait instruire une action pour non assistance à personne en danger si une seule personne était suspecte, mais pas si elles sont 38 ! Magistrats, police, presse ne savent trop quelle attitude adopter face à cette situation qui met en lumière la lâcheté quotidienne de grande ampleur. La journaliste elle-même en vient à douter de ce qu’elle doit révéler de son enquête.
Lucas Belvaux à partir d’un fait divers réel (Viol et meurtre en pleine rue, de Kitty Genovese, à New York en 1964) s’interroge « Est-ce de la lâcheté ou de l’indifférence ? Je n’ai aucune clé. » Et le spectateur ressort de la salle, atterré mais pas plus avancé qu’en y entrant, constatant que nous sommes tous des enfoirés !
Un bon film qui ouvre un débat et oblige à s’interroger sur la nature humaine, de quoi sommes-nous capables et surtout incapables ?
38 témoins film de Lucas Belvaux – durée 1h44 – avec Yvan Attal – Nicole Garcia – Sophie Quinton
38 TÉMOINS : BANDE-ANNONCE Full HD par baryla