Azadée Nichapour me donne le sentiment d’être une figure à part dans la poésie contemporaine. Je l’ai d’ailleurs découverte au hasard d’une anthologie et ses poèmes tranchaient nettement par rapport aux autres. Quand je lis ses poèmes, j’entends une personne concernée par le monde actuel, sincère, sans artifice. Je ne veux pas dire que la poésie contemporaine est autiste ou artificielle – je ne le crois pas – mais elle donne parfois l’impression de faire beaucoup de détours avant d’atteindre son but. En même temps, tout le monde sait qu’en Art il est difficile d’être simple sans être plat et, précisément, Azadée Nichapour y parvient souvent avec bonheur.
Son recueil Parfois la beauté nous laisse entrer dans ses préoccupations et son univers quotidiens : souvenirs d’enfance, famille, trajets en métro, lecture du journal, écoute de la radio, …
Ses thèmes sont l’écriture, sa situation d’exilée, l’amour, le rêve, la beauté, la quête de soi.
La plupart de ses poèmes sont courts, proches de l’aphorisme. Sa langue est pour ainsi dire celle du langage parlé. Elle aime beaucoup jouer avec les expressions toutes faites pour les détourner. Elle aime aussi jouer avec les sonorités, les mots se répondant souvent par échos ; il lui arrive même d’utiliser, d’une manière très libre, la rime.
Pour présenter Azadée Nichapour je pourrais dire qu’elle est d’origine iranienne (Nichapour est sa ville natale) et qu’elle était enfant lorsque sa famille a décidé de s’exiler en France. Mais à cela elle répond :
Il faut que je vous dise
je ne suis pas celle qu’on vous présente
Ceci n’est pas une Persane
mais une personne
Méfiez-vous de la forêt qui cache l’arbre
J’aime aussi beaucoup ce poème, assez facétieux et profond :
Heureusement que les miroirs
sont différents
Sinon on se ressemblerait
comme deux gouttes d’eau
On pourrait même
se prendre pour soi-même
Il ne manquerait plus
que de se croire unique
Azadée Nichapour dit souvent “Je” dans ses poèmes et l’explique d’une manière très jolie et touchante :
- Tu ne parles que de toi
écris un poème sur la réalité
un miroir qui montre le monde entier
- Ne vois-tu pas Papa
je suis moi-même le monde
grande blessée de toutes les guerres
de la Première à la Dernière
jardin d’enfants et cimetière
J’aime aussi beaucoup ce petit poème – dont la formulation me semble intelligente, concise, pénétrante :
La séduction
n’est pas
une science exacte
Avec la somme de tes qualités
tu n’obtiens pas mon amour
Et je finis par celui qui m’enchante le plus car il peut s’appliquer à des tas de situations différentes et, je crois, va évoquer quelque chose à tout le monde :
Échange de bons procédés
Je te dirai tes quatre vérités
et tu feras mes quatre volontés
Parfois la beauté est paru aux éditions Seghers en 2008.