Magazine Amérique latine
la région de San Antonio Dans la pénombre d’une petit maison de San Antonio, une petite assemblée considère avec attention les paroles de Santiago : “derrière l’assassinat d’Hortensia et Manuel, se dissimule un projet minier de grande envergure…de l’or,” confie le membre de la commission Justice et Paix. “Apparemment camarades, vos terres ne vous appartiennent plus. Une multinationale les aurait déjà achetées.”
Militaires et multinationale
Fin 2005, la région du nord-Cauca se militarise considérablement. Officiellement, pour combattre le terrorisme et balayer les guérillas. Mais selon l’organisation Colectivo de Abogados, les militaires veillent à ce que personne ne vienne s’opposer à un mégaprojet minier. Une concession de plus de 7.000 hectares vient d’être attribué à la multinationale Anglogold Ashanti. La société minière sud-africaine, troisième producteur mondial d’or, convoite depuis peu le marché aurifère colombien.
Mais plusieurs communautés, dont San Antonio, trônent sur un trésor dont elles ignorent l’existence. L’Anglogold se doute qu’elles ne monnayeront pas leurs terres contre quelconque dédommagement. Dans tout le pays, de nombreuses multinationales minières et agricoles se sont confrontées à des résistances acharnées. Seul un climat de terreur peut susciter l’exil. Et justement, un bataillon est sous les ordres de l’Angloglod.
Cynique méthode
En janvier 2006, Hortensia et Manuel sont exécutés par le bataillon Cacique Pigoanza. Un procédé radical pour entraîner le départ volontaire des habitants. Basilio, représentant communal de San Antonio, décrypte ces assassinats : “les militaires les ont fait passer pour des guérilleros pour qu’on accuse le village entier d’être infiltré par la guérilla. Ainsi en cas de révolte, notre mouvement serait totalement discrédité”.
Cette cynique méthode n’a pourtant pas porté ses fruits. Les habitants ont refusé de partir et ont ouvertement dénoncé les exactions des militaires. Et malgré les accusations de complicité avec la guérilla et les nombreuses menaces, l’exploitation minière est aujourd’hui paralysée.
Santiago interprète : “la communauté a fait tellement parler d’elle que de nombreuses organisations nationales et internationales l’ont soutenue. Si elle ne s’était pas révoltée, il y aurait des dizaines de morts et un énorme trou juste ici,” sourit-il le regard fixé sur les montagnes.
L’Anglogold renoncera t-elle à l’exploitation de San Antonio ? Pour mener à bien leur entreprise, les multinationales implantées en Colombie font preuve d’une imagination débordante et sanguinaire. Thimothée L'Angevin