Jamais les toits n’avaient connu un tel engouement. Depuis la montée des eaux médiatiques entourant la réforme du droit à construire, l’idée de faire littéralement « la ville sur la ville » émerge peu à peu des enjeux relatifs à la crise du logement, mais également des réflexions sur l’avenir des métropoles post-carbone face à leur croissance et à leur étalement. Sur la capitale, ou l’on créé pour le moment 40 000 logements chaque année, lorsque le Programme du Grand Paris prévoit d’en construire 70 000 par an sur les vingt-cinq prochaines années, prendre de la hauteur sur l’existant est devenue une perspective de plus en plus crédible, sinon nécessaire, mobilisant l’idée d’une nouvelle approche de la ville verticale. Comment penser l’urbanisme non plus uniquement au pied des immeubles mais aussi « par le haut » ? Quelles formes, quels usages, quelles qualités et surtout quels droits donner à cet horizon de la ville ?
Paris futur laboratoire de « l’urbanisme par le haut » ?
Les équipes du Grand Paris ont été nombreuses à entrevoir les premiers jalons systématiques à l’extension verticale de la capitale face notamment à la raréfaction du foncier. Parmi elles, le travail de Michel Cantal Dupart revient de manière pragmatique sur les possibilités réservées, à plus ou moins courts termes, à l’ajout d’un nouvel étage sur certains immeubles :
« Sur douze rues étudiées, la réserve ou capacité foncière aérienne est d’environ 466 650 m2. En prenant en compte l’ensemble des difficultés à venir, la résistance des propriétaires et le temps nécessaire pour la maturation de ce projet, une réalisation d’environ 10% est possible dans les délais courts, soit 46 665m2.»
En filigrane des objectifs affichés de densification du tissu urbain existant, là ou il est possible de le faire (potentiellement sur 2 millions de mètres carrés pour l’ensemble de la capitale), la démarche accompagne également l’élaboration de nouvelles formes architecturales et de nouveaux espaces de vie. Dans ce cas, l’extension des logements sur les toits devient un prétexte à la formulation de projets plus complexes, intégrant de nouveaux enjeux de mixités fonctionnelle, sociale et écologique.
Un exemple de surélévation dans le 19ème arrondissement de Paris (Source Atelier du Grand Paris Construire sur les toits)
Créer de la vie sur la ville
Derrière les prérogatives à la construction de nouveaux logements ou les volontés affirmées de rendre la ville plus écologique (voir à ce titre le programme de végétalisation urbaine du PCET), moins énergivore, l’extension verticale apparaît aussi et surtout l’occasion de créer à de nouvelles échelles, celles de l’appartement, de l’immeuble ou de l’îlot, des espaces de sociabilisation et d’offrir aux habitants un environnement et une qualité de vie exemplaire à toutes les strates – horizontales ou verticales, de la ville. Sur ces questions, les équipes du Grand Paris ont finalement donné assez peu de réponses.
Un projet de l'agence TOA dans le 20ème arrondissement de Paris. Sur le toit d'un gymnase au centre de l'îlot, un jardin partagé (Source TOA)
Hisser les espaces publics à la hauteur des toits, créer de nouvelles liaisons douces entre les terrasses des îlots ou des immeubles, introduire une mixité fonctionnelle et sociale verticale… La surélévation constitue sans nul doute une opportunité pour réinventer la ville par le haut et permettre l’établissement de nouvelles activités. Des terrasses privatives ou semi-privatives ombragées aux jardins partagés, en passant par des cinémas, des salles de sports et des lieux de fêtes, les toits offrent tout un tas de possibilités d’aménagements à l’intensification culturelle, sociale et fonctionnelle de la ville.
S’inspirer des toits d’ailleurs ?
(…des formes de l’architecture informelle) A Hong Kong, l’une des villes les plus denses, les plus chers et les plus étriquées du monde, les toits des immeubles hébergent les plus modestes. Là haut, les cabanes de fortunes, de bois et de taules –conséquences de la crise du logement apparue durant les décennies 50-60, ont redessiné l’horizon de la ville et créé de nouveaux espaces communautaires au sein desquels vivent près de 15 000 personnes, des immigrants chinois pour la plupart. Longtemps tolérées par les autorités, ces constructions raccordées à l’eau et à l’électricité des buildings qu’elles « parasitent », font aujourd’hui l’objet d’une campagne d’éradication.
Sur certains immeuble d'Hong Kong, des habitants organisent les contours d'une cité méconnue ( Hong Kong's Informal Rooftop Communities By Stefan Canham, Rufina Wu)
(… des aménités sociales et environnementales) A New York ou Chicago, les mêmes logiques foncières ont fait naître sur les toits des immeubles de nombreux espaces de socialisation et précipité l’établissement de nouvelles destinations. A Manhattan ou à Brooklyn, ou les réserves foncières sont devenues des denrées rares, les toits offrent aux habitants des quartiers de nouveaux supports pour y développer leurs activités. Entre deux lofts, sur les toits d’un studio de cinéma transformés en « champs de terre », on cultive un potager. Ailleurs, c’est une boite de nuit ou un cinéma en plein air qui profite de la place laissée par les toits. En plus de favoriser la vie sociale de la ville, les toits deviennent de véritables vecteurs de biodiversité. A Chicago, le Green Roof Program va dans ce sens, se donnant pour objectif non seulement de contribuer à enrichir la biodiversité en ville, mais également de lutter, par la végétalisation de ses toits, contre la création d’îlots de chaleur.
Un cinéma en plein air sur le toit d'un immeuble new-yorkais (Source Guillaume de Dieuleveult, Le Figaro)
Là ou le foncier se fait discret et ou la pression des coûts du logement se renforce, les toits deviennent des supports d’inventivité parfois surprenants. Alternatives à la ville classique, prémisses possibles de son futur, les toits pourraient bien devenir les éléments d’un urbanisme nouveau et complexe, jouant sur les stratifications sociales et fonctionnelles de la ville.
Des contraintes à la construction sur les toits
Alors que l’entrée en vigueur au 5 mars de la nouvelle réforme de l’urbanisme devrait favoriser les démarches de densification et plus généralement l’acte de construire, l’extension verticale de la ville sur l’existant se heurte à plusieurs contraintes. Sans parler des éventuels conflits de voisinage ou d’usage dans les futurs projets, le magazine Slate nous rappelle que les limites à la prise de hauteur sont avant tout techniques lorsqu’elles ne sont pas simplement dépendantes des documents d’urbanisme fixant les règles de hauteur et de densité :
«Plusieurs obstacles de divers ordres existent. Tout d’abord des contraintes techniques liées à la construction, à savoir le fait d’imposer une charge supplémentaire sur la structure du bâtiment existant. Une autre contrainte technique relève de la qualité du sous-sol sur lequel l’immeuble est bâti; à ce titre l’Inspection générale des carrières évalue les risques liés aux cavités souterraines. [...] cela entraîne parfois des frais supplémentaires pour le client s’il doit entreprendre des travaux à ce niveau-là»
Dans Paris, le statut en copropriété de nombreux immeubles ne devraient pas non plus favoriser l’implantation de projets de surélévation. Une réalité qu’avait par ailleurs déjà envisagé Michel Cantal Dupart, lors de ses études de faisabilité sur certaines rues de la capitale.
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