Restons en Corée du Sud en ce mercredi asiatique ! J'écris souvent que je n'aime plus guère les séries purement procédurales. Comme toutes les affinités téléphagiques, cela n'a rien de bien figé, et je ne demande qu'à croiser justement des séries qui bousculent mes préconceptions. C'est ce qu'il s'est passé samedi soir lorsque je me suis installée devant le (long !) pilote de Special Affairs Team TEN. Initialement, je l'avoue, j'avais laissé mes préjugés l'emporter à la fin de l'année dernière (du procedural policier? non merci...), mais quelques échos plus récents ont fini par éveiller ma curiosité.
Special Affairs Team TEN a été diffusé sur la chaîne du câble OCN, du 18 novembre 2011 au 13 janvier 2012. Elle occupait un créneau tardif, puisque programmée le vendredi à minuit. De quoi permettre au gestionnaire du stock d'hémoglobine de la chaîne de laisser libre cours à son âme d'artiste pour reconstituer les crimes les plus sanguinolants. La série compte un pilote, qui est un douple épisode de 2 heures, et 8 épisodes ensuite d'1 heure (comptabilisés comme un total de 10). Après quatre épisodes vus (sur 10), la série a vraiment su me fidéliser. J'irai jusqu'à son terme !
La Special Affairs Team TEN est une unité spéciale de la police criminelle qui va être formée au terme du pilote. Elle a pour but de s'occuper des plus violents crimes qui ont été commis dans le pays ; ceux qui sont les plus complexes et restent souvent non résolus. Sa direction a été confiée à Yeo Ji Hoon. Ce professeur est un ex-détective de renom, à la réputation trouble, qui avait quitté son poste au sein de la police pour des raisons qui restent floues au début de la série. La première affaire, à laquelle se consacre le pilote, va permettre à Ji Hoon de rassembler autour de lui une équipe aux talents complémentaires.
C'est en effet un trio efficace qui se constitue sous ses ordres. On y retrouve de jeunes recrues : Park Min Ho, un nouveau policier qui ne demande qu'à apprendre, et Nam Ye Ri, une jeune détective qui se morfondait jusqu'à alors dans des tâches subalternes, mais dont les qualités pour comprendre les gens et dresser leur profil lui ouvrent la voie vers cette unité. A l'opposé, le dernier membre, Baek Do-Sik, est un vétéran expérimenté, très obstiné et qui sait faire confiance à son instinct. La série nous propose donc de suivre ce quatuor dans leurs investigations, tandis que peu à peu, ils deviennent une "équipe".
La première force de Special Affairs Team TEN tient à la tonalité choisie par le drama. Proposant un mélange des styles assez bien dosé, il alterne en effet entre drame pur et comédie avec un naturel qui rend le visionnage très agréable. Ainsi, lorsque l'épisode se focalise sur l'intrigue du jour, les passages sont généralement pesants, mettant en scène des crimes violents et/ou poignants. En revanche, lorsqu'il s'arrête sur les actions des personnages eux-mêmes, il est fréquent qu'il se permette des scènes soudain plus légères, voire même qui prêtent vraiment à sourire. Ces parenthèses ne remettent jamais en cause le liant du scénario, si bien que ce curieux cocktail fonctionne étonnamment bien à l'écran. Il rompt tout risque de monotonie et permet au téléspectateur de s'investir non seulement dans l'histoire du jour, mais plus globalement dans l'atmosphère de la série.
Le deuxième aspect qui permet à Special Affairs Team TEN de s'imposer dans son registre tient plus simplement à ses enquêtes. Celle du pilote, particulièrement complexe (d'aucuns diraient alambiquée), est d'une intensité psychologique qui ne saurait laisser le téléspectateur insensible. Le deuxième épisode est plus quelconque, mais à nouveau le troisième renoue avec ce jeu constant des fausses pistes multiples, face à une affaire compliquée dont on ne sait trop par quel bout la prendre. Dans l'ensemble, le scénario apparaît donc toujours bien travaillé. Et non seulement l'ensemble offre un lot de rebondissements suffisant pour ne pas s'ennuyer, mais le téléspectateur se laisse aussi surprendre par certaines issues ; la première enquête est un modèle du genre en terme de complexité ! Sans être brillante, la série soigne de façon très correcte son assise policière.
Si le curieux mélange entre noirceur et détente adopté par Special Affairs Team TEN constitue sans doute sa valeur ajoutée la plus attractive, il convient également de ne pas négliger l'importance des personnages. Le drama semble porter un intérêt sincère à ses quatre protagonistes principaux. Il réussit à éviter l'écueil majeur où viennent s'échouer tant de cop shows de ce genre, celui de présenter un chef quasi-omniscient dont les subordonnés ne seraient réduits qu'à de simples faire-valoirs. Ici, au contraire, chacun a son rôle et trouve généralement sa place au cours de l'enquête menée. Cette complémentarité soulignée permet une réelle homogénéité, et le mot "équipe" prend finalement tout son sens.
Pour autant, cela ne signifie pas que Special Affairs Team TEN se démarque totalement de la structure classique à ce type de fiction. A la fois arrogant (parfois aux limites de l'antipathique) mais aussi brillant dans son genre, Ji Hoon a souvent un temps d'avance sur ses subordonnés, auxquels il communique rarement ses dernières intuitions. Dès le départ, la série insiste sur certains des traits les plus ambivalents de sa personnalité. Ses méthodes de travail discutables, sa façon de se placer dans la tête du tueur, en allant parfois jusqu'à des reconstitutions musclées, sont autant d'éléments qui indiquent qu'il y a sans doute quelque chose de sombre à explorer en lui. Les quelques indices donnés sur son passé ne font que renforcer cette impression.
Ji Hoon remplit donc parfaitement son rôle pour aiguiser la curiosité du téléspectateur, mais c'est tout à l'honneur de la série - et c'est sans doute ce qui fait sa force - de ne pas réduire l'intérêt humain de Special Affairs Team TEN à ce seul personnage principal, mais d'aménager un espace à chacun. Cela explique que l'on puisse, sans s'en rendre compte, s'attacher très vite à ce quatuor !
Globalement solide sur le fond, Special Affairs Team TEN est également intéressante sur la forme. La réalisation est vraiment bien maîtrisée, avec un travail perceptible aussi bien au niveau de certains plans, que du montage global des épisodes découpés en chapitre. La photographie est belle : les teintes aux couleurs saturées soulignent la versatilité d'une atmosphère, tour à tour oppressante, puis légère. Quant à la bande-son, elle constitue un réel atout pour le drama. Non seulement elle utilise des musiques qui empruntent au rock ses morceaux les plus classiques, mais elle glisse également quelques morceaux originaux, souvent assez déchirants, qui contribuent grandement à construire la tonalité de la série. Cela faisait quelques temps que je n'avais pas eu de vrais coups de coeur en écoutant une OST : Breath, de Mad Soul Child aura été une belle découverte (cf. seconde vidéo après le billet) !
Enfin, Special Affairs Team TEN bénéficie d'un casting homogène, où les quatre acteurs principaux se révèlent convaincants dans le registre qui est attendu d'eux. Joo Sang Wook (That Fool, Giant, actuellement dans Feast of the Gods) joue parfaitement sur la froideur et la distance de ce professeur aux méthodes particulières. Jo An (Three Sisters) a la fraîcheur, mais aussi la nuance qu'il convient, pour interpréter cette jeune détective qui sait instinctivement comprendre ses interlocuteurs. Choi Woo Sik (à venir dans Rooftop Princess) se glisse aisément dans un rôle d'apprenti qui va beaucoup observer, mais aussi démontrer qu'il sait se débrouiller (même s'il s'agit dans un premier temps de courcircuiter les délais d'attente en allant draguer les secrétaires des autres services). Mais celui qui m'a le plus convaincu reste sans doute Kim Sang Ho (Prosecutor Princess, City Hunter) qui a une sacrée présence à l'écran : il joue un personnage de vétéran haut en couleur, laissant la part belle, mais sans pour autant en faire trop, à ses excès de théâtralisme comme à son pragmatisme.
Bilan : Série policière solide et intéressante, Special Affairs Team TEN doit beaucoup à son ambiance qui entremêle habilement les tonalités : à la fois très dure et sombre par moments, le drama est aussi capable de passages de détente bienvenue. Il trouve ainsi son style propre au sein de ce genre sur-exploité du cop show. Ne négligeant pas non plus ses personnages qui bénéficient d'une vraie épaisseur dans leur caractérisation, elle devrait séduire non seulement les amateurs de formula show policier, mais peut-être aussi au-delà, j'en suis l'exemple même. A surveiller !
NOTE : 7/10
Une bande-annonce :
Une chanson de l'OST (Breath, de Mad Soul Child) :