Un bon Voyant doit posséder esprit d'écoute et d'empathie. Mais un Voyant n'est ni médecin, ni psy, ni thérapeute. Même si parfois la voyance se retrouve de force confrontée à la folie des hommes.
Il y a "la folie douce" (consultant qui rêve sa vie, en déni, mythomane, parano..), douce folie qui oblige le Voyant à slalomer dans un monde un peu parallèle, face à un consultant hors réalité(s) qui ne nous donne pas pour autant envie de changer de métier.
Il y a aussi des consultants soignés pour diverses pathologies psy, abrutis par les calmants ou autres drogues, qui traversent les cabinets de voyance comme des fantômes amorphes et donc inoffensifs .
Et puis il y a la vraie folie, encore en liberté. Des consultants en mal-être existentiel grave qui dans un excès de rage peuvent prendre le Voyant pour défouloir, ou pire punching-ball.
Je ne sais pas qui mériterait la 3ème marche du podium de mes pires consultants (la place reste à pourvoir), mais je sais quels sont ceux qui se retrouvent hissés sur les 2 premières marches:
La méchante
Elle m'avait prévenu au téléphone : "Nous avons le même prénom, nous allons vivre un sacré moment !" (En fait, un des pires moments de ma vie).
Elle arrive tard en fin de journée. Quand j'ouvre ma porte, j'ai presque un mouvement de recul tant cette femme est laide et son aura maléfique. Petite, sans forme, boutonneuse, chauve sur la moitié du crâne, une attitude aussi repoussante que son physique.
Elle s'assied face à moi et d'un ton intempestif : "Si vous n'êtes pas trop nulle, dites moi tout sur cet homme"
Elle pose le photo du prétendant. Beau garçon d'allure classique, beaucoup plus jeune qu'elle.
Je me concentre (le malaise est palpable) : "Vous travaillez avec lui au siège social d'une banque, il vient de lancer une fausse rumeur"
Ses lèvres se tordent de nervosité : "Certes, certes, mais encore??"
Je regarde la photo de ce pauvre homme dont les yeux semblent m'implorer ("non non ne lui dis rien s'il te plaît" ) et de guerre lasse je lâche : "Il fait croire depuis peu qu'il est homosexuel mais il ne l'est pas"
Elle hurle : "Oui !! Alors que je lui déclare enfin mon amour, je sais qu'il n'est pas homo ! Espèce de nulle dites moi pourquoi il m'a menti? " (sic sic).
Je précise au passage que cette femme réussissait brillamment dans son métier après plus de 10 années d'études supérieures...
Il est évident que l'objet de son désir avait menti sur sa sexualité pour échapper aux griffes de cette harpie. Je dodeline de la tête, ennuyée. Les minutes s'écoulent interminables et elle finit par m'asséner un mémorable :
"Je vais le forcer à m'embrasser lors du repas de fin d'année et il sera bien obligé de me faire un enfant !".
Cette dernière phrase résume à elle-seule toute la folie de cette femme.
Elle continuera à me hurler dessus, à m'insulter via de petites formules perfides. Excédée, je finirais par la mettre avec fermeté à la porte. Trop c'est trop.
Je reste seule et vidée. Cette expérience inhumaine avec ce monstre me donnera envie d'arrêter subitement et radicalement la voyance. Ce que je ne fis que quelques jours durant. Finalement, cette peste n'aura pas eu ma peau.
Le gentil habitué
Homme célèbre dans le domaine du luxe, il a l'habitude de me consulter depuis plusieurs années. Nous sommes presque devenus amis, je suis sa voyante préférée, et chacun de nos rendez-vous est un délicieux moment de divination.
Rien ne laisse présager ce qui va suivre.
Sa femme tombe amoureuse d'un autre et décide de divorcer. Il espère la reconquérir et je lui affirme que, selon moi, ce n'est plus possible (le temps me donnera d'ailleurs raison) mais cet homme ne me consulte plus que dans ce but : que je lui dise que sa femme va revenir, ce que par respect pour lui je ne peux me résoudre à lui faire croire. (Un voyant n'est pas un psy et ne doit certainement pas dire au consultant ce qu'il souhaite entendre, ou pire ce qu'il serait bon qu'il entende).
Un après-midi, Il arrive dans mon cabinet, visiblement très énervé, et probablement ivre. Je le connais depuis si longtemps que je sous estime le danger. Car danger il y a.
Le ton monte de plus en plus, l'homme refuse de s'assoir, devient menaçant, s'emporte et me saute dessus en bousculant tout sur son passage.
Des années après, je ne sais toujours pas si ce "gentil habitué" a voulu me tuer, me violer, ou "seulement" me frapper. Ce que je sais c'est que pendant près de 3 ans j'ai arrêté toutes mes consultations en cabinet, tant la peur est restée longtemps tenace.