Scandale en octobre dernier sur des méthodes de recrutement violentes et avilissantes. Le documentaire de Didier Cros La Gueule de l’emploi avait provoqué une volée de bois vert contre les dérives de certains cabinets de recrutement. Hier, le climat était bien plus adouci au sein de l’EM Lyon. Le campus organisait en effet une série de conférences pour ses annuelles journées scientifiques. Parmi elles, une table ronde sur l’emploi au titre volontairement accrocheur, Les lois du recrutement : Darwin ou Kafka ?
Elaee faisait partie des intervenants, aux côtés de Didier Cros et de recruteurs du Groupe Casino et du cabinet Kuribay HR Consulting. A l’issue de la projection du documentaire, c’est le consensus : nouveau carton rouge contre les procédés du cabinet de recrutement filmé. D’ailleurs, c’est bien simple, le vocable est totalement différent du documentaire, on parle ici rencontre, échanges, respect de la vie privée… Sauf que Didier Cros persiste, pendant les 8 mois de son repérage, il a fréquenté une trentaine de cabinets aux méthodes similaires que celui filmé dans son docu. Pas d’épiphénomène ici, selon lui.
Ce que Didier Cros interroge avant tout, c’est la dégradation du monde du travail, où le salarié devient corvéable, malléable à l’excès ; les méthodes plus axées sur le savoir être que le savoir-faire. Quant aux chômeurs, on les culpabilise de leur situation. Bref, le salarié n’est plus qu’un simple maillon de la chaîne, un rouage dans un engrenage qui le dépasse. Dans l’assistance, beaucoup d’étudiants forcément. Beaucoup de ceux qui appartiennent à la génération Y, de ceux qui feront partie des managers de demain. Pas forcément évident pour eux de se sentir concernés par la réalité décrite dans La gueule de l’emploi, eux, qui afficheront un beau CV et une belle formation. Car après tout, le système décrié est aussi celui typiquement français : on marche aux grandes écoles, à la carte de visite, au réseau. Ce dont on a besoin, c’est de faire évoluer les mentalités. Nous qui regardons souvent du côté de l’Oncle Sam, nous aurions peut-être tout intérêt à nous inspirer un peu des méthodes américaines dans notre conception au travail : laisser sa chance au salarié de faire ses preuves.
En attendant, on peut aussi se replonger dans l’enquête (toujours d’actualité) de Christian Baudelot et Michel Gollac, Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France.