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Peut -être riche et de gauche?

Publié le 21 mars 2012 par Pslys

Coupables, forcément coupables… Les riches, l’argent, les banques seraient, aux yeux d’une certaine gauche bien-pensante, responsables depuis des années de la spoliation des petits travailleurs par de gros profiteurs. Ils doivent rendre gorge. Chaque élection est l’occasion de raviver ce cliché idéologique. 2012 ne fait pas exception.

Le champion des socialistes a commencé par désigner la finance comme l’ »ennemi » lors de son meeting du Bourget, avant de s’en prendre aux super-riches en proposant de taxer à 75 % les revenus au-delà de 1 million d’euros par an. Peu lui importent les commentaires raillant l’irréalisme d’une telle mesure punitive, les protestations des footballeurs et des artistes, le constat du chef de l’État déplorant une initiative qui ferait fuir les meilleurs. Le but de François Hollande est d’apparaître comme le Robin des bois du peuple et surtout de renvoyer Nicolas Sarkozy à son image de « président des riches », cette tunique de Nessus dont le « sortant » tente de se débarrasser depuis qu’il est candidat.

Voilà près de quarante ans, depuis le premier choc pétrolier de 1973, que l’on trouve des boucs émissaires aux malheurs français. Si la crise a bon dos, la gauche y ajoute immanquablement l’action égoïste des privilégiés, l’impudeur des patrons du CAC 40, l’irresponsabilité des maîtres de la finance, tous ne pensant qu’à se « goinfrer » pendant que les pauvres trinquent.

Surenchère

C’est traditionnellement le rôle des socialistes que de fustiger les excès d’inégalités et les abus de position dominante, qui, certes, existent jusqu’à l’indécence. François Mitterrand en son temps avait dénoncé « l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes ». Ce qui ne l’empêchait pas d’être entouré de très généreux amis milliardaires. Aujourd’hui, alors que François Hollande n’a rien d’un ayatollah, il reprend l’antienne à sa façon, se plaçant sur le plan de la morale. Bien sûr, il fait de la politique, cherchant à mobiliser au maximum son propre camp en vue d’un premier tour sans doute serré. La plupart des Français ne sont pas dupes. Mais une grande partie du public est acquise.

Face à une crise mondiale sans précédent depuis 1929, les socialistes avaient le choix, une fois de plus, entre proposer de « faire payer les riches » ou accepter une logique mondiale à laquelle le pays devrait s’adapter. Hollande tente un savant mélange, naviguant à vue, un jour promettant la vérité, un autre désignant des méchants. Il n’est pas le seul : Nicolas Sarkozy a donné l’exemple en s’en prenant lui aussi à la « folie » des rémunérations des patrons. La surenchère a suivi, contraignant le président à contrer son adversaire sur le thème tout aussi classique de la démagogie.

François Hollande, pour relancer une campagne qui s’essoufflait sous les coups de boutoir de Nicolas Sarkozy, a fait un coup. Un pari à l’ancienne : mieux vaut solidifier son socle que miser sur un centre incertain. L’essentiel est d’arriver le plus fort possible au soir du premier tour. Il sera toujours temps, pense le candidat socialiste, de se montrer plus compréhensif entre les deux tours. On ne sait si ce choix s’avérera payant. Mais le fait est qu’en France les citoyens ont beau évoluer, l’argent des autres reste un objet d’envie et de suspicion. Nicolas Sarkozy a appris à ses dépens ce qu’il en coûte de passer pour l’ami du « grand capital ». François Hollande n’a pas hésité à faire vibrer cette corde peu glorieuse, même si nombre de ses proches sont un peu gênés par son simplisme électoraliste.

Peut-on être riche et de gauche sans hypocrisie ni contorsions ? La mouvance socialiste compte en son sein son lot de millionnaires, qui parviennent à concilier, disent-ils, leurs convictions généreuses et leur train de vie de nabab. Dans les rangs du PS, on leur pardonne, leur talent – et leur argent – étant utile à la cause. Pierre Bergé et Claude Perdriel, par exemple, savent se montrer intelligemment entreprenants.

Goût de luxe

Les politiques fortunés ou aisés tentent de ne pas faire étalage de leurs biens, voire de les cacher. Laurent Fabius, dans sa jeunesse, a réduit le rôle de son père, éminent antiquaire, à celui de « brocanteur ». Le couple Badinter – monsieur a été un avocat à succès et madame est l’héritière de Bleustein-Blanchet – est d’une discrétion à toute épreuve côté train de vie. Jack Lang n’en finit pas de se justifier de posséder un « modeste » appartement place des Vosges à Paris. Parfois, les digues craquent. Les socialistes détournent alors pudiquement leur regard. Ils n’ont pas aimé que soient étalés sur la place publique les goûts de luxe de l’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas. Encore moins que les ennuis judiciaires de Dominique Strauss-Kahn aux États-Unis aient révélé l’ampleur de la fortune de sa femme, Anne Sinclair, et rappelé ses propres penchants pour l’argent facile. Ne disait-il pas lui-même, avant sa mésaventure new-yorkaise, qu’il avait trois points faibles, »l’argent, les femmes et la judéité » ? Aujourd’hui, c’est le mouton noir de la famille. Comme sont en train de le devenir des barons locaux ayant pris des libertés avec la morale et les fonds publics et que le PS a lâchement couverts pendant des années.

La gauche n’est pas à un paradoxe près : beaucoup de talentueux membres socialistes de cabinets ministériels sont partis à la conquête de l’entreprise et de la banque, se procurant de très confortables revenus. On n’a guère revu ces « pantouflards » rue de Solférino. Ils ont contribué à forger des politiques économiques et fiscales de moins en moins socialistes au fil du temps, au point que Nathalie Kosciusko-Morizet, la porte-parole du président-candidat, s’est amusée à affirmer que c’était la gauche qui avait été la plus favorable aux riches.

N’est-ce pas Laurent Fabius qui avait dit : « La gauche ne court pas beaucoup de risques d’être battue par la droite, mais elle peut l’être par les impôts et par les charges » ? À l’écouter, au rythme où va la campagne, marquée par le « rich- bashing », Hollande pourrait entrer dans la zone de danger. Trop d’impôt tue l’impôt, mais, à en croire les sondages, pas le candidat…


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