C’est une « Petite fiction fantaisiste pour lecteurs de dix à cent-dix ans » que nous propose l’auteur, mais j’aurais tendance à parler d’un conte, puisque de nombreux codes s’y retrouvent, et même une Alice qui n’est pas sans rappeler celle de Lewis Carroll…
Cette jeune demoiselle adore discuter avec son ongle Sigismond, un bouquiniste érudit, et surtout s’amuser avec lui en d’incessantes joutes verbales. Chacun tente de piéger l’autre en l’interrogeant sur des auteurs ou des titres d’ouvrages… (J’ai longtemps joué à ce genre de jeu avec mon papa !). Et Sigismond est bien vexé quand il butte sur J. K Rowling… Il ne veut plus perdre la face devant sa nièce et affirme donc bien connaître Jérôme Boisseau, l’auteur de Ramsès au pays des points-virgules. Sauf qu’Alice est bien malicieuse puisqu’elle vient d’inventer et le nom de l’auteur et celui de l’ouvrage et qu’il ne reste plus à l’oncle qu’à créer une histoire qu’il signera sous le pseudonyme de Boisseau…
Il y est question d’une Sissi cuisinière qui sort chercher des œufs et va se retrouver embringuée dans une drôle d’aventure. Elle fera la connaissance de Ramsès II en personne et les deux compères partiront en voyage. Ils se rendront en Angleterre, dans le mystérieux château de Baskerville, habité par un monstre repoussant et cruel, que les habitants apeurés de la contrée leur demandent de combattre. Ils y rencontreront Charles Hockolmes, un chat noir qui n’a de cesse de citer La Fontaine à tout bout de phrase, un lapin nommé Walton Watson, un autre chat, The cat with boots et le fameux propriétaire des lieux, l’horrible Lord Cyklopp.
Et cette histoire totalement loufoque et abracadabrante est un régal ! Le style est très fluide et agréable à lire et conviendra en effet à tous les lecteurs quel que soit leur âge. Et puis l’humour est là, au détour de chaque page, ainsi que l’amour de la langue française de l’auteur, qui s’amuse pour notre plus grand plaisir à jouer avec les mots.
La Fontaine s’immisce dans le texte, mais aussi Boris Vian et ses chansons (que j’adore ! Je les connais quasiment toutes par cœur et n’ai eu aucun mal à compléter les textes !), Jules Verne, Sherlock Holmes et bien sûr Lewis Carroll… J’ai adoré découvrir ces clins d’œil et surtout la façon dont l’auteur aborde le lecteur. Car impossible de rester en mode passif quand on lit ce livre ! Pierre Thiry nous incite à terminer les chansons, retrouver les paroles connues ou bien en inventer d’autres ; il nous demande notre avis, nous interpelle. Cela donne un texte très vivant, et très rafraîchissant. Nous voilà donc dans un roman interactif, et du coup, très amusant !
La petite Sissi est bien attachante, de même que Ramsès, pauvre pharaon qui ne peut pas rentrer dans son propre palais, et j’ai adoré la chanson des points-virgules, ces fameux petits êtres presque vivants qui aideront Sissi à combattre le vilain Lord. L’ensemble est également très poétique.
Une réussite, donc, et juste un léger bémol. Si les adultes se régaleront de toutes les références littéraires, elles échapperont cependant aux enfants, ce qui est bien dommage, mais je suis curieuse de voir ce qu’ils en penseront, j’ai donc aussitôt offert ce petit roman à Charlotte, qui l’a mis en bonne place sur sa PAL (ne riez pas, elle a 5 ou 6 livres d’avance à lire, et parle de sa PAL avec grand sérieux ! je ne vois pas du tout sur qui elle a bien pu prendre exemple…).
Petite remarque également : il y a pas mal d’erreurs de typographie et la mise en page n’est pas optimale (le texte justifié laisse parfois apparaître de longs blancs dans les lignes). Pour info, le point-virgule demande un espace avant et un espace après, le point d’exclamation réclame un espace avant, de même que le point d’interrogation… Mais que cela ne vous empêche pas de lire ce conte, qui vous fera passer un vraiment bon moment !
« Ah ! qu’il est beau ton Rayon vert
Qui voyage au centre de la terre
Après cinq semaines en ballon
Oncle Sigismond, emballons
Le Volcan d’or, Hier et demain
Le Tour du monde en quatre-vingt
Jours, dans un gros sac à malice.
J’adore ton île à hélice !
Jules Verne aimait la laitue.
Némo, Kéraban le têtu,
L’astronaute Hector Servadac,
L’ambulant Boris Bombarnac,
Mathias Sandorf, Michel Strogoff
Adoraient le bœuf Strogonoff.
Mais sais-tu, Tonton Guignolet,
Ce qu’a écrit Georges Chaulet ? »
"Maître Corbeau, dans le ciel étoilé,
Tenait en son bec un fromage
Un lit ailé par l'odeur alléché
D'un gros écrou fit alors délestage,
Provoquant dans l'orage
La chute du fromage [...]"
« Le point-virgule témoignait donc d’un pouvoir de songer, capable de pulvériser les forteresses les plus inexpugnables ; un pouvoir de rêver, capable de faire exploser les blockhaus de la grammaire la plus obtuse… »
« Une phrase bardée de points-virgules était, pour Ramsès II, plus sonore qu’un orchestre symphonique ; plus mélodieux qu’un orchestre de chambre ; plus doux qu’un octuor ; plus efficace que les trompettes de Jéricho ; au charme du point-virgule, rien ne pouvait résister : aucun monstre, du plus géant au plus hideux.
Un point-virgule bien placé pouvait briser toutes les barrières de l’adversité ; transformer le plus sauvage des dragons cruels en mouton domestique et débonnaire ; transformer l’océan le plus tempétueux en une mer aussi calme et plate qu’une tâche d’huile…»
Une histoire lue par Pimprenelle, Calypso, Praline, Leiloona, Lael...
Le site de Pierre Thiry, que je remercie beaucoup pour m'avoir offert ce petit livre ravissant.
Personnage célèbre