Soyons clair dès le début : les meurtres commis ces derniers jours à Montauban et Toulouse qui touchent de plein fouet la République en visant deux de ses institutions majeures, l'école et l'armée sont odieux. Encore plus si le caractère ouvertement raciste et antisémite est confirmé. En ce sens, la condamnation unanime de toute la classe politique était une nécessité, de même que la présence de représentants de différents partis à la plupart des cérémonies et manifestations de soutien ou de colère.
Pour autant, fallait-il aller jusqu'à suspendre la campagne comme l'ont décrété la plupart des candidats ? Si la République est attaquée, si elle est en danger comme certains l'ont laissé entendre, mettre en suspens toute activité propre au bon fonctionnement de la démocratie, n'est-ce pas donner raison à ceux qui créent le danger ? Seuls François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon et Nathalie Arthaud ont décidé de ne pas céder à la pression de l'union nationale. Ils ont été montrés du doigt par les tenants de la pensée unique médiatique, celle qui aujourd'hui décide de ce qui est moral et de ce qui ne l'est pas. Pourtant, en refusant de céder sous la pression d'un dément, ils ont sauvé un peu de l'honneur de la République en montrant que celle-ci ne reculait pas devant la barbarie.
Pour autant, si du côté du PS ou des verts la mise entre parenthèses de leur campagne est mue par la volonté de ne pas apparaître aux yeux de l'opinion comme des facteurs de division dans cette période difficile, il n'en est pas de même pour tout le monde. Certains, plus que d'autres ont intérêt à maintenir le plus longtemps possible cette "union nationale" qui évite tout débat, qui empêche surtout que chacun assume ses actes ou ses propos.
C'est, une fois n'est pas coutume, François Bayrou qui lundi soir a le mieux résumé la situation : "...ce type de folie s'enracine dans l'état d'une société. Les hommes politiques ont le devoir de veiller à la société dont ils ont la charge, de veiller à ce que les tensions, les passions et les haines ne soient pas entretenues, encouragées. Monter les uns contre les autres, même artificiellement, même électoralement, c'est faire flamber ce genre de passions." On ne peut être plus clair et c'est bien l'UMP au pouvoir qui est visé dans cette déclaration pleine de justesse. Le candidat du Front de gauche synthétise lui en une phrase : "chacun doit désormais faire attention à ses citations". Il fait évidemment référence à Jean-Marie Le Pen et sa citation de Robert Brasillach.