Magazine Culture

Gare aux vautours

Publié le 20 mars 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Gare aux vautours

 » Dans l’amitié, ménage une petite place pour la brouille; et dans la brouille, une autre pour la réconciliation »

Proverbe juif

A chaque  fois qu’un drame de l’ampleur de la tuerie de Toulouse se produit, les vautours ne tardent pas à décrire des cercles de plus en plus serrés autour de la dépouille des malheureux dont le seul tort fut d’avoir été là où il ne fallait pas. Même si je ne peux pas plus encadrer les militaires que mes camarades graoulliens, je garde quand même à l’esprit que ces très jeunes gens sont certainement entré dans les rangs de la grande Muette plus par crainte du chômage, et par pénurie de métiers honnêtes, que par vocation. Et comme j’ai à peu près autant d’estime pour les politiques que pour les militaires, j’ai beaucoup de mal à croire au cessez-le-feu électoral décrété par un Président qui sous prétexte d’union nationale va pouvoir causer tout seul. J’espère au moins que les instituts de sondage sont aussi au chômage technique pendant ce temps.

Quoiqu’il en soit, à l’heure actuelle, personne n’est sûr des motivations du taré qui est sur le point de détrôner notre Francis Heaulme national au Panthéon des zigouilleurs de grand chemin, mais ça sent son déséquilibré imbibé de néo-nazisme, avec tous les conditionnels de rigueur. Comme je ne suis pas plus criminologue que juge, Dieu (qui n’existe que le temps de justifier cette expression) me garde de m’adonner à ces conneries, laissons-là cette histoire en attendant que l’enquête nous en dise plus. Par contre, impossible de passer sur tous les pompeux cornichons qui en profitent pour s’arroger du temps d’antenne alors que la morne confidentialité où ils stagnaient jusque là nous arrangeait bien.

La cucurbitacée qui nous intéresse aujourd’hui se nomme Gilles-William Goldnabel. La première fois que j’ai vu l’énergumène, il était interviewé par le délicieux Robert Ménard, et j’avais déjà envisagé de l’inclure dans ma liste des nouveaux réacs qui ne jouissent que bien attachés, aux côtés dudit Robert. Monsieur Goldnabel, il est avocat et on pourrait l’appeler maître mais je n’accordais déjà pas le titre à mes institutrices c’est pas pour le donner à un « ténor du barreau », M. Goldnabel donc, venait défendre un livre intitulé « le Vieil Homme m’indigne », dirigé exclusivement contre Stéphane Hessel qui s’érigeait dans son best-seller contre l’attitude d’Israël à l’encontre de la Palestine. Et il est revenu pour crier au crime antisémite et au laxisme du législateur français contre tout ceux qui goûtent peu le klezmer, ce qui est une faute de goût, et la politique d’Israël, ce qui est déjà plus sujet à controverse.

Pour situer notre nouvel ami, il se déclare hostile à l’antisémitisme (ce qui est parfaitement légitime) et à l’antisionisme (ce qui est déjà plus discutable) indépendamment des opinions politiques. Reste que le bonhomme soutient les gogols du Pacte 2012 qui appellent de leurs voeux le rétablissement de la peine de mort, qu’il a fait condamner le journal « le Monde » (et Edgar Morin!), Siné, la LICRA, la MRAP et la Ligue des Droits de l’Homme, l’Oréal (qui boycottait des produits israéliens), Charles Enderlin (le journaliste de France 2 qui est actuellement le meilleur rapporteur du conflit israélo-palestinien), et plus globalement tous ceux qui critiquent l’Etat d’Israël. Il affiche quand même quelques beaux trophées sur son tableau de chasse comme le négationniste Garaudy et l’ex-humoriste Dieudonné. Mais il a aussi défendu des gens aussi recommandables que l’islamophobe Oriana Fallacci, et cerise sur le baklava, il a souhaité accompagner Marine Le Pen en Israël.

Alors certes l’antisémistisme est infame, au même titre que toutes les formes de racisme, et il existe un arsenal législatif qui le punit sévèrement, de même que son corollaire le négationnisme. Mais l’assimiler à l’antisionisme est totalement absurde, comme de faire croire que le conflit israélo-palestinien est un problème religieux alors qu’il s’agit d’une polémique éminnement géopolitique. Et Goldnabel est symptomatique d’une poussée de fièvre de l’extrême-droite israélienne. Il faudrait trouver un nouveau mot pour distinguer la judéité (sous son versant religieux ou « ethnique ») des intérêts privés de l’Etat d’Israel. Aux Etats-Unis, Obama a souvent été mis en échec par la minorité juive new-yorkaise, et Netanyahu ne se gêne pas pour faire du chantage diplomatique pour que les USA s’engagent plus fermement en Iran. En France, on tend de plus en plus à assimiler antisionisme et antisémitisme, et à rentrer dans la paranoia, entre clichés éculés sur la surreprésentation des Juifs dans les médias, entre délire psychiatrique à la Dieudonné, et entre certains errements de la gauche qui a aussi malheureusement associé anti-américanisme et antisionisme. Mais en Israël aussi, des gens se mobilisent contre la colonisation et pour les droits sociaux de tous les Israéliens quelle que soit leur confession. Et n’oublions pas l’influence des migrants russes dans l’extrême-droitisation de la politique israélienne.

Comme on le disait plus haut, l’antisémitisme, comme toutes les variantes du racisme doit être combattu avec toute la fermeté possible. On se demande si M. Goldnabel est au courant que le père de la petite Marine qu’il souhaitait emmener à Jérusalem dirigeait une maison de disques qui éditait le best-of des chants de la Wehrmacht, mais on en doute sinon il ne serait pas si moraliste. Mais l’antisionisme doit être regardé comme l’anticolonialisme: aucun Etat (car il s’agit bien d’Etat et pas de peuple, ce qui devrait suffire à désamorcer les critiques sionistes) n’a le droit d’en asservir un autre pour quelques parcelles de terre, comme on le rappelle si peu à l’occasion de l’anniversaire des accords d’Evian. On sait que dans les deux camps, il y a des emmerdeurs pour qui la paix est la pire solution possible, c’est l’apanage de la politique qui est la continuation de la guerre par d’autres moyens, mais la majorité des Palestiniens et des Israéliens ne demandent rien de mieux que de vivre en paix, et même ensemble comme ce fut le cas pendant des siècles. Dommage qu’il faille un psychopathe sanguinaire dans les rues de Haute-Garonne pour se senti obligé de rappeler ce qui devrait être une évidence.

Comme le disait Art Spiegelman, l’illustre dessinateur du New Yorker, on se demande si l’on aurait pas mieux fait de créer un Etat d’Israel en Allemagne après la Deuxième Guerre Mondiale.

Dans un prochain épisode, nous lancerons notre grand quizz de l’été: « Décolleté estival: plutôt thyroïde à l’uranium iranien ou israélien? ».


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Legraoully 29555 partages Voir son profil
Voir son blog