Ils étaient des milliers, en majorité jeunes, à assister samedi soir au meeting du célèbre chanteur sur la Place de Gao de Ziguinchor, principale ville de Casamance, région du sud du Sénégal en proie à une rébellion armée depuis 1982. "Nous faisons un show électoral. Dans une semaine, Wade va quitter le pouvoir", lance Youssou Ndour, boubou marron, écharpe et casquette blanches à l'effigie de Macky Sall, ex-Premier ministre de Wade devenu son opposant.
La foule lui répond par des vivats, au son de la musique rap appelant au départ de Wade, au milieu des tentes dressées par le mouvement du chanteur, Fekké Ma ci Boolé (Je suis là, donc j'en fais partie, en langue wolof). "On a gagné. On a gagné", chante-t-il avant de convier l'assistance à écouter en play-back "alalu mbolo" (bien public), une ancienne de ses chansons sur la bonne gouvernance.
Sophie Diédhiou, 32 ans, est parmi les jeunes venus le voir. "Je veux que Wade parte. Nous n'avons aucun espoir de trouver du travail. Je suis domestique malgré ma formation en couture", dit-elle avant d'esquisser des pas de danse. "You", comme on l'appelle au Sénégal, est en tournée dans le cadre de son opération "wer ndombo" (ceinturer en wolof), initiée pour obtenir le départ du président Wade, 85 ans, au pouvoir depuis 2000.
Le concept du "village électoral"Après Dakar, il a installé sur la Place de Gao à Ziguinchor un "village électoral", où l'on peut consulter un médecin, se renseigner sur l'emploi et l'entreprenariat. La foule est au rendez-vous. "C'est un concept de campagne électorale qui allie l'utile à l'agréable, le combat citoyen et le progrès économique. Le village électoral est une sorte de bivouac citoyen en pleine ville", expliquent les organisateurs.
Youssou Ndour, dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel, a décidé, comme tous les opposants éliminés au premier tour le 26 février, d'apporter son soutien à Macky Sall. Une trentaine de jeunes partisans du pouvoir ont, dans la matinée, tenté d'empêcher le chanteur d'arriver au siège de la Plate-forme des femmes pour la paix en Casamance (PFPC), à Ziguinchor.
"Nous ne voulons pas de Macky et de Youssou Ndour à Ziguinchor", affirme l'un d'eux. Après quelques pierres sur le cortège de Youssou Ndour, ces jeunes ont dressé un barrage sur la chaussée avec pneus et tôles en zinc, vite enlevé par la sécurité du chanteur qui les fait fuir. "Quand des gens du pouvoir se mettent à jeter des pierres, c'est parce qu'ils ont senti déjà être dans l'opposition. D'habitude c'est elle qui lance des pierres. Ils ont accepté leur sort", raillera le chanteur Place de Gao.
"C'est possible de faire de la Casamance le grenier du Sénégal mais il faut d'abord la paix. Pour y arriver, il faut que Wade dégage. Macky Sall a fait l'option de la concertation" pour la paix, "vous pouvez compter sur lui", dit Youssou Ndour aux femmes de la PFPC. Elles l'ont invité à s'exprimer sur le conflit entre l'Etat du Sénégal au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) qui dure depuis trente ans malgré plusieurs accords de paix et des milliers de victimes.
Dehors, des centaines de jeunes, dont plusieurs à moto, attendent "You" pour le suivre dans sa randonnée à travers les quartiers de la ville.