Catherine Ashton,
Vous occupez le poste de « haut représentant de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Je me souviens que l’on s’était fortement interrogé, lors de votre nomination, sur vos compétences et votre légitimité pour occuper une fonction si importante ; depuis lors, vous n’avez pas spécialement brillé par votre activisme, laissant notamment passer le train des révolutions chez nos voisins de l’autre côté de la Méditerranée. Peut-être votre discrétion était-elle jusque là une preuve d’intelligence ; la sagesse commande en effet de s’effacer, plutôt que de forcer son talent, quand on manque cruellement de ce dernier.
Il faut croire que la pression médiatique consécutive aux tragédies de Toulouse et de Montauban a été plus forte que cette conscience de vos limites. Vous avez sans doute considéré que vos obligations protocolaires vous commandaient de sortir de votre silence habituel. Vous avez donc parlé.
Votre priorité, Catherine Ashton, est très claire : banaliser ce qui est survenu à Toulouse, en le noyant dans la problématique générale de la mortalité infantile. Guerre, meurtre par un psychopathe, accident de bus : tout se vaut dans le shaker qui semble vous tenir lieu de cortex. On peut regretter que vous n’ayez pas également évoqué la mort subite du nourrisson, ou le congélateur des époux Courjault, et relancé le débat sur l’avortement pour élargir encore un peu plus votre panorama. Pensez-y pour votre prochaine sortie de votre hibernation habituelle.
Mais là où ce que l’on analysera, au choix, comme votre bêtise ou votre manque d’empathie touche à l’ignoble et à l’irresponsable, c’est quand vous filez le parallèle avec le conflit israélo-palestinien, commençant par comparer le massacre de Toulouse à « ce qui se passe à Gaza », avant de rendre hommage aux jeunes Palestiniens qui « contre toute attente » (sic) continuent à vivre leur vie, malgré …
Malgré quoi ?
Pourquoi n’allez-vous pas au bout de votre raisonnement, pourquoi ne dites-vous pas clairement : chers enfants juifs français, de même que des petits Palestiniens meurent par la faute de l’armée israélienne, vous vous faites exécuter d’une balle dans la tête, tout cela est bien triste, mais c’est finalement la même histoire ? Pourquoi ne pas assumer le fond de votre propos : chers petits Juifs, en vérité je vous le dis, arrêtez de faire du mal aux Palestiniens, et ensuite on pourra vous plaindre ? Prenez sur vous, reprenez-vous, prenez exemple sur eux, eux, hein, ils ne se plaignent pas, alors que ce que vous avez enduré hier matin, ils le subissent tous les jours ! Et d’ailleurs, à eux, on peut leur rendre hommage. Et le meilleur moment pour le faire, cet hommage, c’est quand vous, vous vous faites tirer comme des lapins.
Que se passe-t-il dans votre petite tête, madame Ashton, représentante de tous les Européens, donc un peu de moi aussi ? Pensez-vous qu’il faut, à chaque fois que l’on évoque un malheur frappant des Juifs, y accoler la Palestine, pour faire bonne mesure et ne surtout pas être soupçonné de prendre parti ? Et réciproquement ? Croyez-vous qu’il soit utile, dans un contexte de tensions xénophobes et face à une suspicion de meurtres racistes, d’ajouter de l’huile sur le feu des tentations communautaristes ?
Vous venez, avec fracas, de donner raison à ceux qui fustigeaient votre incompétence et s’étonnaient de votre nomination. Vous témoignez à votre manière du triste état de cette Europe qui ne tourne pas rond, jusqu’à sa tête. Vous tirerez, ou non, les conséquences de votre déclaration consternante de stupidité. En attendant, je n’ai qu’une demande, en tant qu’Européen, Français et républicain universaliste : taisez-vous, Catherine Ashton, taisez-vous.
Romain Pigenel