«Sure we Can» disait le slogan de TNT Express, entreprise hollandaise d’acheminement de colis, numéro 2 européen de sa spécialité derrière DHL, son concurrent allemand. Du jour au lendemain, cette affirmation inspirée de la compagne présidentielle de Barack Obama, a perdu son sens. United Parcel Service, omnipuissant géant américain, va en effet racheter et absorber son semi-concurrent. Semi parce que les deux entreprises sont de toute évidence très complémentaires, qu’aucune autorité anti-trust ne trouvera le moindre reproche à formuler après l’annonce de cet impressionnant regroupement bien dans l’air du temps.
Va naître, en effet, une entreprise de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, occupant 425.000 personnes, réalisant un tiers environ de ses activités hors Etats-Unis et capable de concurrencer avec une force de frappe accrue les services postaux du canal historique comme La Poste française. Encore qu’il convienne de s’entendre sur les mots et les points de repère.
L’origine d’UPS remonte en effet à plus d’une centaine d’années et ses camions brun chocolat font partie du paysage urbain américain autant que les vendeurs de hamburgers. Ces camions, au nombre de 94.000, sont partout et ne correspondent pas à une manière luxueuse d’envoyer plis et colis, dans une ville voisine ou très loin dans le monde. Tout comme FedEx, UPS a rapetissé la planète et accéléré les échanges commerciaux avec un savoir-faire remarquable.
Bien entendu, l’avion a joué un rôle essentiel dans cet énorme montage logistique, mais en témoignant d’une grande économie de moyens. UPS trie et envoie 190.000 colis à l’heure, en grande partie sur longues distances, mais se contente, si l’on ose dire, d’une flotte de 500 avions, dont des valeurs sûres qui ne sont plus en production depuis un certain nombre d’années, notamment des Boeing 757-200 et Airbus A300F4-600R. TNT, qui se limite à l’Europe, a toujours cru aux mérites de la route et exploite une flotte de 44 appareils à peine, principalement de vénérables BAe 146.
Chef de file incontesté de sa spécialité, UPS a réussi l’exploit de grandir dans la discrétion, elle s’est fondue dans le paysage des affaires, au point de faire oublier qu’elle a forgé la notion de «hub» bien avant son créateur patenté, American Airlines. Là où les camions ne suffisent pas, seules de grandes plates-formes de correspondances, au fonctionnement parfaitement minuté, peuvent en effet permettre d’organiser un immense chassé-croisé nocturne à Rockford International Airport (l’autre aéroport de Chicago) capable de réduire au strict minimum les temps d’acheminement.
L’essor rapide du transport aérien américain, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, avait permis à l’avion de s’arroger un rôle vital. UPS a principalement tablé sur la demande intérieure, les dimensions des Etats-Unis donnant les contours prometteurs d’un marché potentiel considérable. Son démarrage, il y aura 100 ans l’année prochaine, a été réalisé grâce à une flotte de Ford Model T. FedEx, de création moins ancienne, a d’entrée construit son modèle économique sur l’avion (en un premier temps le Falcon de Dassault Aviation), sans donner le premier rôle au camion.
La fusion UPS/TNT va réjouir les analystes. Ils trouveront dans cette opération le bonheur absolu que seules peuvent susciter des synergies de grande qualité et, de ce fait, la promesse de spectaculaires économies d’échelle. Déjà, les experts en la matière évoquent des économies annuelles de 525 à 725 millions de dollars, de quoi ravir les actionnaires. Un comité d’intégration, sorti instantanément de réunions organisée au sommet des deux organigrammes, se charge d’ores et déjà de tous les aspects de l’opération, petits et grands. Et, sans aucun doute, Airbus et Boeing se disent qu’il y aura bientôt beaucoup d’avions à vendre pour rajeunir une flotte vieillissante. Business as usual, même en plein lendemain de crise.
Pierre Sparaco - AeroMorning