L'horreur et la peur. Il ne s'agit pas de revenir sur la tuerie de Toulouse, les faits ont été et sont toujours surcommentés. Le traitement médiatique et le repli dans l'émotion contraste fortement avec d'autres drames tout aussi récents. On a tiré sur la république écrit un éditorialiste à propos de Toulouse. L'image n'est pas fausse. Elle ne doit pas faire oublier une autre scène tout aussi effroyable dont la différence de traitement interpelle. Celle de ces trois soeurs mortes écrasées en traversant l’autoroute A 7 près de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Mortes non pas parce qu'elles étaient juives mais peut être parce qu'elles appartenaient à la communauté des gens du voyage.
Il n'existe pas de hiérarchie des valeurs dans les tragédies qui nous frappent mais sans remettre en cause la sincérité de l'émotion qui traverse le pays, on peut s'interroger sur l'emballement sociétal de ces dernières heures. La soif des médias, les images qui tournent en boucle et la compétition des élections présidentielles concourent à un hold-up de l'émotion qui évite les questions qui fâchent notamment de s'interroger sur une dérive verbale au sommet de l'Etat. Or il n'y a pas que les balles qui tuent. Les mots aussi. Ce débat viendra peut être, après. Pour l'instant comme l'a rappelé Jean-MarcAyrault (PS) : " pas de polémique, pas de récupération. Du respect et de la dignité".
Le respect et la dignité, c'est le traitement que l'on souhaiterait voir réservé à un autre drame qui s'est joué quelques jours avant quand Victorine, 17 ans, et ses deux jeunes sœurs Charlotte, 13 ans, et Carmen, 12 ans sont mortes écrasées sur une autoroute qu'elles tentaient de traverser. Un drame de l'indifférence et de la suspicion à l'égard d'enfants dont la principale faute aura été la couleur de peau.
C'est peut être parce qu'elles appartenaient à la communauté des gens du voyage, même sédentarisés, que les trois jeunes filles ont été traitées différemment. L'agent de la SNCF, et le patrouilleur sont suspectés de ne pas avoir pris les précautions qu'ils auraient vraisemblablement réservé à des fillettes bon teint.
Même si elle fait grincer des dents et suscite bien des sarcasmes, la plainte déposée par la famille contre la SNCF pour non assistance à personne en danger est fondée.
"Cette plainte a pour but de mettre en cause l'agent de la SNCF et la SNCF qui auraient dû, s'agissant de personnes sans titre et sans papier d'identité, informer la police, d'autant qu'on avait affaire à des gens mineurs", a déclaré lundi Maître Gilbert Collard, avocat des trois oncles des victimes.
La famille reproche notamment l'absence de coup de téléphone à la police ou à la famille. Dans sa douleur, l'un des oncles des victimes estime que, "c'était simple de les sauver". "Moi à mon avis, comme mes nièces étaient très brunes et typées, dans sa tête de contrôleuse, elle s'est dit : "Encore des Roms, allez on les met dehors". Si elles étaient blondes aux yeux bleus, vous croyez qu'on les aurait fait descendre du train?" Concernant le patrouilleur qui ne les a pas pris à bord, la famille déplore une application stricte du règlement, dénuée d'humanité, ce que réfute celui-ci qui indique qu'elles se seraient enfuies à la vue de son véhicule.
Très digne, Johanna cousine des trois sœurs a pointé au micro d'Europe 1 l'absence de questionnement et une véritable chaîne humaine d'irresponsabilité avant de lancer un appel poignant "Soyons unis quelle que soit la couleur de notre peau. Vous avez tous des enfants. Réagissez s'il vous plaît, soutenez-nous dans notre douleur".
Trois adolescentes fauchées sur l’A7 dans la Drôme par BFMTV