Eux, les optimistes, ils ont le nombre, la jeunesse, l’excitation, l’impatience, l’esprit qui volette. Lui, il se sent fatigué. Sa voix éraillée, sourde, peine à suivre les tirants d’eau de l’esprit. Le fauteuil (il a du mal à trouver sa position) grince, couine, pépie. Mais il a derrière lui l’armada de ses livres, et ce destin que les élèves ont parcouru sur internet. Etudes de droit, journalisme, poésie, romans, engagement, émissions de télé, de radio, ça vous pose un homme et ça en jette, à défaut d’éblouir.
Les questions ni ne fusent, ni n’affluent. Elles viennent simplement. Pas spontanées, pas vraiment curieuses au début. Seulement préparées. Presque guindées, polies, conventionnelles. Mais le propre d’un écrivain n’est-ce pas, c’est de jouer avec les conventions et de leur casser le cou ! C’est ce que répètera Trouillot dans son discours. Comment trouvez-vous l’inspiration ? Tous les lieux sont-ils réels dans vos romans ? Combien de temps prenez-vous pour écrire un roman ? Pourquoi avez-vous arrêté vos études de droit ? Quel rôle la musique joue-t-elle dans vos écrits ? Quelle place accordez-vous au football ? Un étudiant peut-il se rendre utile s’il va à Haïti pour aider la population ?...
Couinement du siège. Ecrire, c’est prendre un grand cahier relié, marquer la phrase de fin, trouver le bon titre et élaborer la première phrase. Celle qui servira de charnière, celle à partir de laquelle tout le reste de la charpente va s’édifier. Il ne faudra pas longtemps (peut-être deux ou trois mois) pour parcourir l’espace vide du cahier, jusqu’à son terme attendu... L’essentiel a eu lieu avant, dans les longs moments de réflexion, de maturation passés dans les cafés, à écouter, observer, échanger avec des gens.