Des syndicalistes de Florange se sont présentés devant le quartier général de campagne de Nicolas Sarkozy. Plusieurs dizaines de CRS leur ont barré le chemin puis ont lancé des gaz lacrymogènes. Les protecteurs de notre président, ami du peuple, de la classe ouvrière et des gens qui se lèvent tôt, ont ainsi attaqué des manifestants qui ne s’étaient livrés ni à des violences, ni à des déprédations.
Il s’en est ensuite expliqué, établissant un distinguo subtil entre les vrais ouvriers, objets naturellement de toutes ses attentions, et les autres, manipulés par les syndicats. J’ignore d’où lui vient cette aptitude à distinguer les uns des autres, les travailleurs n’étant pas de ses fréquentations favorites. J’ai lu quelque part la reformulation d’une maxime fréquemment évoquée, reformulation qui me paraît pleine de vérité, et que je m’amuse à citer ici : « l’avenir appartient à celui dont les ouvriers se lèvent tôt ».
Je suis scandalisé par cet anathème lancé contre les syndicats. En démocratie, il n’est pas possible de diriger un pays en l’absence de représentants de ses différentes composantes. Le peuple a ses élus, les travailleurs des syndicats, tout comme les patrons. On oublie trop souvent que Le MEDEF, la CGPME et autres sont eux aussi des syndicats. On nous invente à chaque occasion un Grenelle de quelque chose, tel le pitoyable Grenelle de l’environnement. Eh bien, le seul et unique Grenelle, celui qui a mis fin à la crise de mai 1968, a consisté en des négociations entre les différentes parties en cause, au nombre desquelles les syndicats. Pour négocier, on a besoin d’interlocuteurs et il serait bon que des historiens de pacotille, tel notre président, sachent que c’est l’existence de ces syndicats tant honnis qui a évité à notre pays de s’embarquer alors vers des aventures incertaines.
Le pouvoir met souvent en avant le manque de représentativité des syndicats. Le faible nombre de syndiqués est dû au fait que, pour un salarié, se syndiquer, c’est souvent s’exposer à voir sa carrière freinée, sans compter que de nombreuses entreprises s’efforcent d’empêcher la naissance en leur sein de sections syndicales ou suscitent des syndicats maison, complaisants avec la Direction. Celui qui nous cite régulièrement en exemple l’Allemagne ferait bien d’examiner comment les représentants des salariés y sont traités, avec en particulier, dans les grandes entreprises, un directeur du travail faisant partie du Directoire.
Voilà qui est différent de ce qui peut se passer en France. Dans l’entreprise qui m’employait, chaque année avaient lieu des négociations salariales pour discuter des salaires. Le plus souvent aucun accord ne se dégageait et la Direction concluait en déclarant : nous avons bien noté votre position et votre désaccord mais cela sera comme nous avons décidé.
Au début de cette année, notre président a reçu les partenaires sociaux. Ce terme de partenaires me semble tout à fait déplacé. En bonne règle, des partenaires poursuivent les mêmes buts et sont égaux. Ce n’est de toute évidence pas le cas dans le monde du travail français, où les dirigeants ne sont guère enclins à entendre les arguments de leurs partenaires. Il est de la dernière inconséquence, comme le fait Nicolas Sarkozy, de prétendre débattre avec ces prétendus partenaires sociaux et, dans le même temps, de vilipender les syndicats.