Les Muppets n’avaient plus fait d’apparition sur un écran de cinéma depuis 1999, avec le film Les Muppets dans l’Espace, se cantonnant à la télévision pour quelques rares téléfilms. En gros, les célèbres créations de Jim Henson ne faisaient plus vraiment recette et semblaient largement passées de mode, malgré le rachat par Disney des personnages en 2004. Mais c’était sans compter la détermination d’un fan irréductible des Muppets, l’acteur Jason Segel. La vedette de la série How I met your Mother n’a en effet jamais caché son amour des irrésistibles marionnettes, comme le prouvait le final du film Sans Sarah rien ne va, qu’il avait coécrit. Avec l’aide de son complice Nicholas Stoller (le réalisateur dudit Sans Sarah rien ne va et de l’hilarant American Trip), ainsi que de James Bobin (cocréateur de la série The Flight of the Conchords), il va donc profiter de la mode actuelle des reboots et retours des icones des années 80 pour faire revenir Kermit et sa bande sur le devant de la scène. Une idée noble, mais comme on le sait, les essais récents en matière de trips nostalgiques et autres reboots ne se sont pas toujours soldés par des succès.
Par chance, Segel et ses compères sont non seulement des fans des Muppets, mais aussi des scénaristes intelligents. Les Muppets, Le Retour n’est donc ni un énième reboot sans cervelle trahissant l’œuvre originale, ni un hommage servile sans génie, ni même un trip nostalgique poussiéreux. Plutôt que de reprendre à zéro ou de parodier une nouvelle fois un genre précis, comme la plupart des précédents films des Muppets l’ont fait, Segel et Stoller ont choisi de plonger leurs héros dans le monde actuel, en se posant une question simple : et si les Muppets existaient vraiment, où en seraient-ils aujourd’hui ? La trame du film est assez classique (un vieux groupe qui se reforme pour un dernier baroud d’honneur), mais permet au trio de s’interroger sur le devenir de ces icônes de leur enfance, une fois qu’elles sont passées de mode, un peu à la manière d’un Toy Story 3 (il n’est d’ailleurs guère étonnant que le court-métrage précédant le film soit une nouvelle courte aventure des personnages emblématiques de Pixar). A vrai dire, Les Muppets, Le Retour propose le même genre de questionnements que le récent The Artist : dans un monde où le moindre film pour enfants se doit d’être rempli à ras bord de créatures numériques, existe-t-il encore une place pour des marionnettes aux yeux fixes et animées à la main ? A la vision du film, la réponse est clairement oui, tant celui-ci est réussi.
On retrouve à la fois la nostalgie des vieux fans rendant hommage à ces créatures uniques, mais aussi la malice de personnes sachant vivre avec leur temps et n’oubliant pas le rôle parodique des Muppets, en soulignant gentiment les travers modernes ainsi que la désuétude de certaines figures imposées. Fidèle aux standards de la série, Les Muppets, Le Retour mêle avec brio comédie musicale, parodie et délires non-sensiques (Miss Piggy est rédactrice en chef de Vogue France, Animal prend des cours de management de la colère). Se côtoient donc ici une ouverture sous forme de comédie musicale gentiment ringarde dans laquelle toute la ville se met à chanter des paroles niaises avec les héros, un hilarant passage rappé dans lequel le bad guy du film explique à quel point il est méchant, ou encore une reprise très particulière du Lithium de Nirvana. Pour aller plus vite, les héros se lancent dans un montage dans le style de Team America, ils se déplacent « en carte » (comprendre par une vue de carte sur laquelle leur trajet est représenté en pointillés), et le film multiplie les cameos hilarants : Whoopi Goldberg (dans une apparition toute aussi drôle qu’émouvante), Liza Minelli, Jack Black, Zach Galifianakis, Ken Jeong, Alan Arkin, Emily Blunt, Neil Patrick Harris, et surtout Jim Parsons (Sheldon Cooper dans la série The Big Bang Theory) dans une apparition incroyablement drôle.
Bref, en plus d’être un bien bel hommage aux créatures de Jim Henson, Les Muppets, Le Retour est aussi un magnifique divertissement pour petits et grands. Le film de Bobin montre avec brio que malgré leur côté bricolé et rétro, ces folles marionnettes n’ont pas pris une ride et sont toujours capables de fédérer les foules (le film a fait un carton aux Etats-Unis et au Royaume Uni).
Note : 8.5/10
USA, 2011
Réalisation : James Bobin
Scénario : Jason Segel, Nicholas Stoller
Avec : Jason Segel, Amy Adams, Chris Cooper, Rashida Jones