La Comédie Française excelle aussi dans la création contemporaine !

Publié le 19 mars 2012 par Fousdetheatre.com @FousdeTheatre

Lecteurs fidèles de fousdetheatre.com, vous ne pouvez être passés à côté de notre rencontre il y a quelques jours avec Jean-René Lemoine, dont l'insaisissable et irrésistible tragi-comédie almodovaro-hitchcocko-poético-vaudevilesque "Erzuli Dahomey, déesse de l'amour" est présentée depuis la semaine dernière au Vieux Colombier. Si la lecture de l'oeuvre avait su nous séduire, la mise en scène d'Eric Génovèse à laquelle nous venons d'assister, portée par les comédiens Français, acheva de nous convaincre totalement.

Le sociétaire metteur en scène restitue en effet parfaitement sur le plateau l'esprit et l'essence d'une pièce ultra-séquencée, aux entrées multiples, pour le moins kaléidoscopique, tant sur le fond que sur la forme. 

Bien malin qui parviendra, en quelques mots, à "pitcher" la chose. Tentons toutefois...

Victoire, ancienne actrice, veuve, vit une existence sur des rails en province. Alors que ses deux jumeaux et sa bonne antillaise pleurent la disparition de Lady Di, elle apprend la mort de son premier enfant à l'étranger. Une fois le corps rapatrié et enterré, les codes et repères de cette famille bourgeoise de même que ceux du père Denis, précepteur des enfants, vont être littéralement dynamités tandis qu'apparaît dans la maison un fantôme noir qui n'est de toute évidence pas celui du fils disparu.

Solitude, amour, famille, deuil (réel ou psychologique), mais aussi confrontation des cultures,  traite des noirs, esclavage, et vaudou sont quelques uns des thèmes explorés par l'auteur et ses personnages en quête d'identité, en pleins parcours initiatiques. L'écriture est vive, tour à tour drôle, destabilisante, grinçante, poétique, onirique et, sous une apparente légèreté, toujours profonde.

En tête de distribution, Claude Mathieu compose une mère de famille hystéro-dépressive, raciste à souhait, dépassée par les évènements, courant trop tardivement après l'amour d'un fils. Remarquablement juste dans l'excès, elle est aussi amusante dans la partie mauvais boulevard qu'émouvante dans le drame authentique qu'elle vit au final.  A ses côtés Serge Bagdassarian est un curé un brin désaxé, sévèrement titillé par une sexualité jamais explorée. Son jeu tout en retenue équilibre à merveille ce duo. Travesti,  Bakari Sangaré est un concentré d'Afrique inattendu, volubile et généreux, surgissant dans l'univers étriqué de Victoire. Incontestablement, il est une femme de poigne... Nicole Dogué fait pour sa part monter avec force et subtilité la colère et la révolte de la bonne Fanta. Françoise Gillard et Pierre Niney, enfin, incarnent des jumeaux incestueux bouleversants et dérangeants de beauté.

Un spectacle inclassable, moderne, accessible et exigeant, monté avec de beaux moyens, qu'il serait regrettable de ne pas découvrir, nonobstant peut-être une demi-heure de trop.

Allez-y !