Otages des talibans pakistanais depuis le mois de juillet, Daniela Widmer et David Och ont retrouvé la liberté jeudi 15 mars. Les circonstances de leur libération restent floues.
Paru dans la Tribune de Genève le 16 mars. Par Emmanuel Derville, à Islamabad
C’est la fin de huit mois de calvaire. Enlevés le 1er juillet dans la province du Baloutchistan, dans l’Ouest du Pakistan, David Och et Daniela Widmer sont libres. Leur détention commence quand les deux Bernois sont enlevés par les talibans alors qu’ils projettent de rentrer en Suisse par la route à bord de leur camping-car. Le couple revient d’un séjour en Inde mais commet l’imprudence de circuler à bord d’un véhicule immatriculé à Berne dans une région où les kidnappings sont fréquents. Repérés par un groupe de talibans par hasard, ils sont emmenés dans la zone tribale du Waziristan. Cette région semi-autonome frontalière de l’Afghanistan est un repère de groupes terroristes islamiques et échappe au contrôle des autorités pakistanaises.
Après 4 mois de silence, les talibans font circuler deux vidéos des otages et dévoilent leurs revendications : 3 millions de dollars et la libération de 100 de leurs combattants. Les négociations commencent, menés par les services de renseignement militaire pakistanais. Mais au début de l’année, la situation se dégrade sur le terrain et les discussions sont interrompues. Fin janvier, les talibans diffusent une vidéo qui met en scène l’exécution de 15 soldats pakistanais enlevés dans la région de Tank, voisine du Waziristan. Ces derniers jours, le Waziristan a été le théâtre d’accrochages entre l’armée et les talibans qui ont aussi revendiqué un attentat à la bombe le 27 février contre le chef de la province de Khyber Pakhtunkhwa, dans le Nord-Ouest du pays. La libération des otages semble s’éloigner.
Coup de théâtre hier matin à l’aube. David Och et Daniela Widmer se présentent à un poste de contrôle militaire près de Miranshah, au Waziristan Nord. « La nouvelle a surpris tout le monde », indique Mansur Khan Mahsud, universitaire, directeur du Fatah Research Center, un centre de recherche spécialisé dans les zones tribales qui a été en contact avec les ravisseurs via un intermédiaire. « Rien ne laissait penser que les négociations étaient sur le point d’aboutir », précise le chercheur. Visiblement, même l’ambassade suisse à Islamabad ne s’y attendait pas.
Selon les militaires, David Och et Daniela Widmer sont parvenus à s’échapper. « C’est ce qu’ils ont expliqué aux soldats qui les ont recueillis », assure le général Athar Abbas, le porte-parole de l’armée. Le couple est héliporté dans la matinée à Peshawar, à 150 km d’Islamabad où ils sont ensuite transférés dans l’après-midi. « Ils sont en bonne santé, ajoute un officier à Peshawar. Nous leur avons donné à manger et servi du thé. »
Reste que les talibans contredisent la version de l’armée : « ils ont assuré à notre correspondant au Waziristan qu’ils les avaient libérés parce que les autorités pakistanaises avaient accepté leurs revendications », explique Mansur Khan Mahsud. Difficile de savoir qui dit vrai pour le moment. David Och et Daniela Widmer ont été pris en charge par l’ambassade qui doit les rapatrier en Suisse dès que possible.
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