Le réseau aéroportuaire français en lente mutation
Le rôle des compagnies low cost dans la mutation du transport aérien européen apparaît désormais dans toute son ampleur : L’Union des aéroports français a calculé que leur trafic a progressé de 13% en 2011 et de 42,4% au cours de la période 2007/2011, des résultats nettement au-dessus de la moyenne de l’ensemble de la progression du secteur. De plus, nombre des compagnies à bas tarifs misent résolument sur les aéroports provinciaux ou secondaires, contribuant ainsi à une répartition plus harmonieuse du trafic. Une manière comme une autre de mettre en exergue une évolution qui tend à donner moins d’importance à la centralisation à outrance dont bénéficiait Paris, à l’image de la France tout entière.
Les statistiques établies par l’UAF confirment cette tendance, très nette mais néanmoins relativement lente. L’année dernière, les aéroports métropolitains ont traité 152,9 millions de passagers (+6,6%), dont 88,1 millions à Paris (+5,7%) et 64,8 millions en province (+8%). L’hyper concentration parisienne tend donc à se desserrer au fil de la progression de Ryanair, EasyJet et de quelques-uns de leurs principaux challengers. Cette situation devrait en toute logique enregistrer une accélération avec la mise en place des bases low cost d’Air France. Le trafic de Marseille, Nice et Toulouse devrait en effet en bénéficier dans des proportions importantes.
Il peut d’ailleurs arriver que Ryanair fasse à elle seule la pluie et le beau temps. Au cœur d’une polémique violente centrée sur le droit social, il y a un an, la compagnie irlandaise avait fermé sa base marseillaise et abandonné de nombreuses lignes. Puis elle s’était ravisée, avait fait volte-face mais, dans l’intermède, les statistiques de trafic de Marignane ont connu un coup de froid. D’où un passage à vide qui a montré l’influence du secteur low cost sur les résultats commerciaux hors Paris.
C’est aussi une manière de souligner que la domination absolue de Paris, dans un contexte hyper centralisé, pourrait finir par s’estomper. Avec, à terme, des conséquences considérables, les besoins en capacité pouvant ne plus être les mêmes que dans la passé et les installations aéroportuaires devant s’adapter à une nouvelle donne. Une remarque qui ne s’applique pas uniquement aux principaux outsiders que sont Nice-Côte d’Azur, Lyon-Saint-Exupéry et Toulouse-Blagnac. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’année dernière, le nombre de passagers enregistrés à Bâle-Mulhouse et à Beauvais ont fait un bond en avant respectivement de 22,4 et 25,4%. Ce sont là deux aéroports qui, bientôt, ne justifieront plus d’être qualifiés de secondaires.
Dans ces conditions, vue dans sa globalité, la stratégie aéroportuaire française aborde un infléchissement dont l’ampleur n’a probablement pas encore été mesurée comme il convient. Ainsi, on conçoit qu’il faille oublier les polémiques juridiques qui, ici et là, contestent le bien-fondé d’aérogares low cost, plus ou moins spartiates, conçues à l’image des compagnies auxquelles elles sont destinées. Le rapport qualité/prix repose dorénavant sur des bases nouvelles, tout au moins tant qu’il est question de lignes courtes assurées par des compagnies qui ont choisi une fois pour toutes de démocratiser et de banaliser les voies aériennes.
Restera à gérer l’augmentation du nombre de mouvements d’avions qui résultera de cette poussée d’un type nouveau. L’UAF nous apprend que l’emport moyen, en France métropolitaine, est de 88 passagers par vol, «un record». Mais c’est trop peu, compte tenu des risques de saturation qui vont tôt ou tard poindre à l’horizon. C’est un problème de riches, mais un problème quand même.
Pierre Sparaco-AeroMorning