Les expatriés, c’est comme les immigrés. Il y a les bons, et les mauvais. Les bons expatriés partent pour les bonnes raisons : « participer au rayonnement de leur pays ». Par leur travail acharné, ils portent haut les couleurs de leur pays, plantant leur drapeau au sommet des courbes de part de marché, sur le fronton des universités ou dans la gorge des dictatures. Il reviennent alors chez eux couvert de gloire, ayant fait progresser l’emploi, le rayonnement culturel et la position stratégique de leur pays dans le monde.
De fait, les bons expatriés sont de très mauvais immigrés : prompts à sortir leur drapeau d’origine à chaque occasion (quel manque de respect), prêts à rafler les meilleurs jobs au nez et la barbe des indigènes, faisant sans relâche la promotion des produits fabriqués dans leur pays au détriment des produits locaux, et affichant publiquement leurs croyances et leur culture (une honte je vous dis).
Les mauvais expatriés partent pour les mauvaises raisons : échapper au fisc. Par leur travail acharné, ils ont accumulé une petite fortune qui fait des envieux chez leurs compatriotes, et ils s’en vont cacher le magot dans un pays mieux disposé à ne pas tout confisquer de leur retraite dorée et de l’héritage de leurs petits-enfants. Il ne reviennent chez eux que pour les vacances et pour aller à l’hôpital (trop riches mais assez radins pour ne pas se payer leur médecin privé), couverts de honte et sous les sifflets de leurs compatriotes moins privilégiés.
De fait, ces mauvais expatriés sont les immigrés dont on rêve : discrets, jamais à rechercher un job mais plutôt disposés à en offrir, laissant de larges pourboires et heureux de payer des taxes dans leur pays d’adoption.
Ainsi va l’ordre du monde, où les expatriés des uns sont les immigrés des autres.
Là où ça se complique, c’est pendant les campagnes électorales. Forcément. Le défi est de séduire les bons expatriés tout en fustigeant les mauvais immigrés qu’ils sont devenus dans leur pays d’adoption. Il faut aussi rassurer les bons immigrés qui viennent créer des emplois, mais on ne peut tolérer les mauvais expatriés qu’ils sont devenus. Compliqué.
Taxer les mauvais expatriés aussi bien que les bons immigrés, comme le propose François Hollande, a le mérite de la cohérence mais pas forcément celui de l’efficacité. Nicolas Sarkozy cherche une voie plus subtile en proposant publiquement de taxer les mauvais expatriés tout en fustigeant les mauvais immigrés, et en laissant Nathalie Kosciusko-Morizet se démerder à expliquer la différence dans une communication personnelle aux bons expatriés.
Watch and Learn!