Magazine Culture
-Une du figaro le lendemain des accords d'Evian-
Le 18 mars 1962, étaientsignés à Evian les accords du même nom qui mettait fin à la guerre d’Algérie. Cetteannée, nous commémorons le cinquantenaire de la lutte pour l’indépendance dupeuple algérien.Tout a commencé dans lanuit du 31 octobre au 1er novembre 1956. En effet, cette nuit-là, leFront de Libération Nationale (FLN) fait exploser des bombes dans les grandesvilles algériennes (Alger, Oran, Constantine…). Ces attaques sonnent le débutdes « opérations de maintien de l’ordre » lorsque François Mitterrandministre de l’intérieur du gouvernement français dirigé par Pierre MendèsFrance, décida d’envoyer les premiers bataillons de CRS et de militaires pourmater la rébellion. Le FLN est une organisation de lutte armée qui revendiquel’autonomie d’une « culture héritée d’un long et glorieux passé »,que le mouvement s’efforce par cela, de justifier la revendication del’indépendance. Cette guerre, qui neportait pas son nom, a provoqué la mort de 12 000 militaires du côtéfrançais dont 9 000 Français de souche, 1 200 légionnaires et 1 250musulmans. Chez les rebelles, les sources estiment à 227 000 musulmansvictimes de la guerre. Il ne faut pas oublier les 19 200 morts civils desdeux côtés. Il faudra attendrel’adoption d’une loi en juin 1999 pour que l’expression «d’opérations demaintien de l’ordre » puisse être substituée à celle de « guerred’Algérie » plus conforme à la réalité. En effet, pendant longtemps, legouvernement français a refusé véritablement de voir une guerre dans lescombats l’opposant au FLN. La rébellion n‘était pas vue comme une guerred’indépendance mais comme une révolte contre l’autorité française, une émeute.Cela permettait aussi à l’armée française de pratiquer des exactions comme latorture, actes interdits par la Convention de Genève sur le droit de laguerre. Le 18 mars 1962, lors de la deuxièmeconférence d’Evian regroupant des représentants du gouvernement français et desmembres du GRPA (Gouvernement de la République Provisoire d’Algérie) fut signéun accord instaurant la paix et uncessez-le-feu qui mit fin à la guerre. Celle-ci est alors reconnue au moment oùelle finit. Un référendum d’autodétermination fut décidé pour le 1erjuillet. A cette date, le oui l’emporta avec 99,3% des voix et le 3 juillet, laFrance reconnut officiellement l’indépendance de l’Algérie. Cinquante ans après, les plaies ne sont toujourscicatrisées partout. La mémoire est encore vive chez les anciens combattantsque ce soit du côté algérien ou français. Les massacres perpétrés par lesAlgériens tout juste indépendants, provoquèrent l’exil d’un million d’Algériensd’origine européenne : les Pieds-Noirs. La plupart étaient nés dans cepays et n’avaient jamais habité en métropole. Ce fut donc un déracinement poureux de quitter leurs terres et leurs biens dans la précipitation, pour arriverdans un pays inconnu. De plus, ils furent très mal accueillis. Les plus reçusfurent les Harkis (263 000 hommes), les combattants musulmans quis’étaient battus pour la France et que les Algériens considéraient comme destraîtres. Beaucoup furent installés dans des camps provisoires et attendirentlongtemps avant d’obtenir un logement décent. Aujourd’hui encore, la lutte desmémoires vient perturber les débats et le travail des chercheurs.L’enseignement de la Guerre d’Algérie pose aussi problème aux professeurs quidoivent garder leur neutralité pour parler d’un sujet sensible. En effet, il sepeut qu’ils aient à faire face à des descendants des combattants, ou à luttercontre la concurrence des mémoires de certains qui n’acceptent pas les erreurscommises dans leur camp. C’est à l’écoleaujourd’hui de refermer ce débat en apprenant aux élèves l’histoire objectivede la guerre afin de calmer les passions. Malheureusement, le sujet est sisensible qu’il arrive parfois que cet épisode tragique de l’histoire de Francene soit plus enseigné car il provoque trop de tensions dans les établissementsscolaires. En Algérie, le sujet commenceseulement à être étudié d’une façon objective. En effet, après l’indépendance,le FLN devint parti unique jusqu’en 1989 et à partir de 1992, le pays sombradans la guerre civile provoquant la mort de 100 000 personnes. Le travaildes historiens n’y est devenu possible que récemment. La Guerre d’Algérie est donc aujourd’hui encore uneplaie qui a du mal à se refermer en France comme de l’autre côté de laMéditerranée. Il faut profiter du cinquantenaire de la fin de cet épisode pouren parler mais tranquillement sans réveiller les passions.
Source :- B. STORA (2006)- Histoire de la guerre d’Algérie,1954-1962, La Découverte, Paris, 122 p.
Florian Thomas.