Martha Marcy May Marlene

Martha Marcy May Marlene, réalisé par Sean Durkin. Avec Elizabeth Olsen, John Hawkes, Sarah Paulson… Sortie cinéma 29/02/2012

Martha Marcy May Marlene. Si, comme moi, vous avez eu du mal à répéter le nom du film à la caisse du cinéma, vous n’oublierez plus ces prénoms après avoir vu ce film. On découvre lors de la première scène le quotidien de Marcy May, qui vit dans ce qui ressemble à une communauté hippie auto-suffisante digne du San Francisco des années 70. Seulement, quelques détails viennent troubler ce paysage idyllique : les femmes attendent, cachées dans la cuisine, pendant que les hommes mangent. Ce n’est qu’après leur départ qu’elles ont le droit de toucher à leur repas frugal. Quelques plans mettent en valeur la virilité presque agressive de ces hommes, et plus particulièrement de celui qui préside la table… Puis, Marcy May fuit, terrifiée, vers sa sœur à qui elle n’a donné aucune nouvelle depuis deux ans. Et l’on découvre que Marcy May s’appelle Martha. Le mot ne sera jamais prononcé, mais ses troubles psychologiques sont ceux de quelqu’un qui a vécu non pas dans une communauté, mais dans une secte.

Elizabeth Olsen, qui interprète Martha, est impressionnante. Ce rôle mutique et pourtant extrêmement fort met en valeur son talent prometteur. Le film oscille entre flashbacks de la vie de Marcy May « là-bas », où l’on assiste à sa lente soumission aux règles sadiques d’un gourou joué par John Hawkes, terrifiant de sa violence contenue, et le présent de Martha dans lequel elle peine à trouver sa place. Le malaise ne nous lâche pas.

Le monde nous apparaît uniquement du point de vue de ce personnage troublé et troublant, qui ne parvient pas à avouer à sa sœur ce qu’elle a vécu. Pour mieux accompagner cette immersion dans sa réalité chaotique, le réalisateur instaure des silences complets, en filmant sous l’eau, ou encore lors de plans resserrés sur les terreurs nocturnes de Martha. Malgré une ambiance éthérée qui rappelle l’esthétique de Sophia Coppola, la caméra ne nous épargne rien. Au cours des réminiscences de Martha, nous découvrons peu à peu l’ampleur de ce que son esprit a subi. Certaines scènes ne quitteront pas non plus l’esprit du spectateur de sitôt…

Aucune explication n’est donnée au sujet de l’adhésion de Martha à cette secte, comme pour mieux souligner l’évidence : n’importe quelle personne fragile peut sombrer dans ce piège, si séduisant de prime abord. Si l’histoire paraît plus confuse vers la fin du film, la fugace scène finale se charge de nous ramener à la réalité d’une manière magistrale.

Martha Marcy May Marlene n’est pas exempt de défauts, on peut par exemple déplorer que le scénario reste trop en surface des personnages secondaires… Mais cette peinture prenante d’une identité détruite par la force d’une aliénation collective, ainsi que la découverte d’une actrice et d’un réalisateur époustouflants, surpassent largement ces considérations.

8/10

Martha Marcy May Marlene