De la rareté à l'abondance

Par Eguillot

L'auteur Kristine Kathryn Rusch (oui, le blog est en anglais) explique dans un remarquable billet les modèles de rareté et d'abondance dans le monde de l'édition et de l'autoédition. Je résume ci-dessous son article tel que je l'ai compris en y entremêlant quelques réflexions personnelles au passage.

L'édition traditionnelle et tous ses acteurs, auteurs, libraires, éditeurs, agents, etc. a été habituée à penser les choses en termes de rareté et de dates de péremption, l'espace sur les rayons des libraires étant limité. Seuls quelques livres sont présentés de face et ont réellement des chances d'être choisis par les lecteurs. A l'exception des grands classiques et des locomotives, ils ne doivent pas rester trop longtemps dans les rayons, car on doit attirer les lecteurs avec des nouveautés.

Le nouveau modèle est celui de l'abondance : les livres électroniques restent accessibles en permanence et les moteurs de recherche et les algorythmes permettent de les trouver en effectuant des recherches avec différents mots clés. Parmi les nouveaux acteurs du livre électronique, ceux qui développent les meilleurs modèles de recherche sont ceux qui gagnent, et c'est pourquoi Amazon est en tête pour le moment.

Si l'on s'en tient au marché du livre papier en particulier, pour les autoéditeurs comme moi qui refusent de laisser la totalité de ce marché aux éditeurs, mais s'interdisent aussi de prendre le risque financier de passer par un distributeur,  le modèle traditionnel de la rareté devient un modèle de la super-rareté. Ainsi par exemple, si l'on ne veut pas commander mes livres brochés par correspondance sur mon site, sur Amazon ou la Fnac.fr, le meilleur moyen est encore de regarder dans la colonne de droite de ce blog où je serai en dédicace dans les jours ou semaines à venir. Oui, oui, j'en profite pour me faire de la pub. Honte à moi.

Les exemples de deal d'autoédités avec de grandes maisons d'édition où les premiers gardent leurs droits sur les livres papiers et ebooks, comme celui de John Locke sont rarissimes, et le resteront longtemps en France.

Pour tous les acteurs habitués à ce marché de la rareté (note personnelle : oui, je suis au courant que dans le marché traditionnel, 56 000 livres brochés sortent en France par an, néanmoins ce marché ne représente qu'un petit pourcentage de la totalité des livres écrits chaque année), le nouveau modèle de l'abondance promulgué par l'ebook entraîne une énorme peur : celle de ne pas être repéré, noyé dans la masse.

Comment va-t-on faire pour remarquer mon ebook parmi des centaines de milliers d'autres ? Kathryn Rusch explique très bien dans son billet que le modèle de la rareté était fondé sur l'instinct des éditeurs, mais également des lecteurs au moment de leur choix du livre ou de l'auteur. Le nouveau modèle devient mathématique : vous serez trouvé, forcément, mathématiquement, parce que vous ne vous contentez pas de publier un seul ebook et que vous essayez d'améliorer aussi bien la qualité d'écriture, de l'histoire, que la qualité visuelle des couvertures, ainsi que la qualité des quatrième de couverture (présentations).

Quelqu'un me disait hier en dédicace qu'il faut un don pour écrire. Je pense simplement que certains ont plus de facilités que d'autres. Tout le monde ne peut pas écrire et en vivre, c'est certain. Combien d'écrivains, d'ailleurs, vivent de leur plume en France et uniquement de leur plume (sans compter l'argent qui vient des ateliers d'écriture) ? Une centaine ? Il est important de donner ce chiffre, car même dans ce nouveau monde de l'ebook, les choses ne vont pas d'un seul coup devenir très faciles pour tout le monde. Même pour les pros (dont je ne fais pas partie), cela va rester dur. Quoi qu'il en soit, ce chiffre est amené à progresser fortement.

Evidemment, dans ce nouveau monde de l'abondance, les auteurs habitués à se reposer sur leur éditeur seront les plus démunis, du moins au début. Mais à partir du moment où le marché de l'ebook sera arrivé à maturité en France, ceux qui sauront s'adapter y trouveront leur compte.

Et bien davantage qu'avec l'édition traditionnelle.