A l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, Zahra Ali a interpellé les féministes françaises au sujet de l’exclusion des féministes musulmanes.
Depuis un peu plus de dix ans, le féminisme français est très divisé sur deux sujets ; le voile et ses corollaires, et la prostitution. Au risque de vexer à peu près tout le monde, je dirais que les deux sujets se rejoignent dans le sens où ils questionnent la liberté de choix des femmes, et l’impact de celle-ci sur l’ensemble des femmes.
La position de certaines féministes les a en effet poussé-e-s à rejeter les musulmanes voilées, féministes ou non, ainsi que leurs supposées défenderesses. On a ainsi vu il y a quelques années des femmes voilées expulsées de réunions féministes.
Par ailleurs – ce point n’étant pas lié avec le précédent – le féminisme français s’est droitisé suivant ainsi à mon sens la société française et a entraîné l’exclusion d’un bon nombre de femmes considérées comme par essence non féministes.
C’est dans ce sens que je publiais il y a dix ans ce dessin qui illustrait déjà certains problèmes du féminisme qui n’ont fait que se renforcer.
Maintenant j’avoue être en total désaccord avec la fin du texte lorsqu’il prétend « Tout comme le Black feminism (féminisme noir africain-américain) et la critique féministe postcoloniale, le féminisme islamique » et « Elles revendiquent une militance prenant sa source dans la spiritualité musulmane et faisant de l’islam une grille de lecture pour promouvoir l’égalité« .
Les féministes américaines ont réfléchi depuis déjà quelques années sur l’intersectionnalité qui qualifie le fait de subir plusieurs discriminations au sein d’une société. Ainsi c’est en effet développé un féminisme afro-américain, chicano ou lesbien.
Il est également vrai que le féminisme français reste une affaire de femme cisgenre hétérosexuelle et blanche.
Néanmoins je me garderais bien de comparer le black féminism et un féminisme islamique.
La laïcité est la seule manière, que ce soit dans une société ou dans une reflexion féministe, de se comprendre. C’est pourquoi l’UMP n’avait pas et n’aurait jamais du se prononcer sur des préceptes religieux.
Il ne me serait pas possible de discuter avec qui que ce soit sur des bases religieuses, voilà pourquoi nous choisissons la rationalité contre la croyance quand il s’agit de discuter d’un sujet précis.
Le black feminism s’appuie sur des critères rationnels, qu’on peut partager. Un féminisme fondé sur des croyances religieuses, ne peut se partager sinon entre membres de la même religion. Et on sait que même là c’est difficile tant les interprétations divergent.
Il émerge en France un féminisme que je ne saurais nommer ; l’appeler « d’immigration » résonne clair mais me gêne un peu car il semble contraindre les féministes issues de l’immigration à rester dans une position de migrante. Pour autant, il pose la bonne question ; une femme issu de l’immigration vit-elles les mêmes discriminations qu’une femme qui ne l’est pas ?
Ce féminisme a toute sa place et doit, nécessairement, se développer. Pour autant, je crains qu’il soit très difficile de discuter avec un féminisme, qui islamique, qui catholique, qui juif.
Vous dites « En Egypte, par exemple le mouvement féministe égyptien n’a pas suivi » comme s’il était clair, évident, obligatoire que le féminisme égyptien soit islamique. Pourquoi le serait-il ?
Comprenez qu’en tant que croyants, vous acceptez un certain nombre de préceptes, de dogmes qui seront rejetés et par les athées et par les autres religions. Les catholiques croient par exemple en l’eucharistie et je ne vois pas bien sur quelle base rationnelle l’on pourrait en discuter. Nous faisons donc le choix de ne pas le faire, seule méthode pour pouvoir discuter des sujets les plus divers avec des références communes.
Encore une fois il convient d’étudier ce qu’est être une femme immigrée en France. L’affaire a été étudiée en Italie mais on pourrait le voir en France au travers de l’immigration africaine. Beaucoup d’italiennes « de souche » ont pu acquérir une indépendance financière en se mettant à travailler et en confiant à des femmes immigrées leurs enfants, les parents âgés. On constate en Ile de France, une très importante présence de femmes issues de l’immigration africaine, dans les travaux liés aux enfants. Cette situation a entraîné en Italie, selon Rosi Braidotti, l’exploitation des femmes par les femmes avec des migrantes souvent non déclarées et sous-payées.
Cet exemple, qui n’est rien d’autre qu’une point parmi tant d’autres, peut être étudié mais, je ne vois guère ce que la religion a à faire là dedans.