Dalai Lama Rama Fafafa + Unison + Montessuis, Espace B, Paris, le 3 mars 2012
Fêter l’anniversaire du collectif MU, expérimentateur d’insolite, dans un endroit comme l’Espace B qui tend aussi souvent vers de l’imprévu, cela promet des écarts de trajectoires, des distorsions sans charnières. Puisque chaque groupe formait des îlots de sens abrupts et disjoints, il apparaissait intéressant d’isoler chaque prestation sans transitions arbitraires ni convention narrative. On peut ainsi commencer par le moins remarquable et saluer ce qui se salue toujours en dernier, le DJ-set de la soirée. Ponctuant et emboîtant les trois concerts prévus ce soir-là, Eric Stil était d’une grande dangerosité musicale. Dans ses disques, le Velvet Underground côtoyait ainsi du southern rap et des groupes souterrains avec beaucoup d’audace et d’homogénéité à la fois.
Cela donne le ton.
Le concert de Joachim Montessuis a commencé sur les coups de 21h. Dans le ventre de la rue Barbanègre, ce premier concert sonnait comme un amas de surréalisme trash et cathartique. Drôle d’équation en effet que cet homme isolé sur scène avec sa guitare et son ordinateur, créant des bruits inaudibles qui se tordaient et qui agressaient perpétuellement. Ça a commencé comme ça, difficilement. Et le set s’est terminé difficilement aussi : avec une guitare mordue et lacérée et une forme de folie stagnante rongeant la matière des murs et des oreilles. Inutile de dire que le public timoré et perplexe restait compacté au fond de la salle, assourdi par le volume sonore. Élément absurde et cinématographique à noter cependant : seule devant la scène, une grande dame plutôt élégante dansait sensuellement sur cette musique désespérément vidée de tout contenu sensible. Un moment intéressant pour son esthétique déviante mais musicalement douteux. Un peu comme du David Lynch sans Badalamenti.
Avec le second concert, les choses prirent une autre tournure, celle du consensus. Déjà, en très peu de temps, le public s’était transformé : composé d’une base peu nombreuse et vague, il s’est alourdi considérablement de jolies jeunes filles et de garçons fanfarons, fidèles à un groupe dont la réputation semble de plus en plus solide à Paris. Car Dalai Lama Rama Fafafa déçoit peu : extrêmement lustrée, la musique shoegaze jouée par le groupe semble maîtrisée et tendue à l’extrême mais procure aussi paradoxalement un sentiment profond d’abandon. Très vite ainsi, les longues plages brumeuses glissèrent dans les yeux et les corps et le public prit des contours plus mouvants. En quelques notes dilatées, les quatre garçons du groupe avaient réussi à ouvrir un large panel de possibles. Certains dans la salle étaient tentés de danser doucement en fermant les yeux mais il faut avouer que le spectacle méritait d’être suivi, même d’un regard voilé : les garçons sur scène étaient beaux, soignaient des looks tout en poils et en tatouages et ils jouaient surtout sur des guitares splendides. Ainsi, si les corps des musiciens bougeaient peu, stagnaient dans une position bizarre entre debout et assis, Rickenbecker, Fender Jaguar et basse Gretsch prenaient superbement la lumière.