Michel Lafon Jeunesse
Traduit de l'anglais par Marianne Roumy
Parution prévue le 14 Avril 2012
317 pages
15,95 euros
Roman ados dès 13 ans
Thèmes : Dystopie, Société, Anticipation
C'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai répondu à la proposition de Camille de lire en avant-première le tout dernier roman de Gemma Malley. Vous connaissez tous mon coup de coeur absolu pour sa trilogie La Déclaration, La Résistance et La Révélation. En mon fort intérieur, je savais déjà que Sentiment 26 resterait dans cette lignée des romans young adult dystopique. Je l'ai donc attaqué avec beaucoup d'excitation, d'attentes et d'exigence.
Nous sommes en 2065. Après la Guerre et l'épisode des Horreurs, le monde vit selon les règles instituées par le Guide suprême. Dirigeant la Cité, protégée de l'extérieur et des Damnés, il a réparti la population en différentes castes sociales : de A à D, autrement dit des Admirables aux Déviants. Le Bureau des étiquettes classe également certaines personnes en catégorie E. La pire, celle qui est livrée au-dehors et aux Damnés. Le Système voit tout, surveille tout et épie les pensées les plus secrètes des personnes. Le Nouveau baptême consiste à lobotomiser le cerveau afin que le gens restent bons et ne penchent pas vers des comportements jugés dangereux. Evie, 16 ans a grandi dans cette Cité où penser n'est pas permis. Insignifiante B, elle est apeurée par ses rêves impurs qui la conduisent vers une impasse et de nombreux questionnements. Que va-t-elle lui arriver si le Guide apprend qu'elle est mauvaise et qu'elle ne respecte pas Les Sentiments, bible de la Cité ? Promise à un impeccable A nommé Lucas, futur dirigeant haut placé dans le Système, elle est cependant folle amoureuse de son frère Raffy, qui loin de suivre l'exemple de est un D. Les deux jeunes gens travaillent pour le gouvernement lorsque Raffy détecte une faille dans le Système. La situation devient très vite irrémédiablement compromise : condamné et banni de la Cité, Raffy est rétrogradé en E. E comme éradicable. Evie laissera-t-elle la Cité décider de son destin ou aura-t-elle la force de s'y opposer ?
J'ai l'impression que Gemma Malley attache beaucoup d'importance aux dérives de notre société notamment sur les manipulations génétiques et les progrès scientifiques, au risque du mépris et du déni de la liberté fondamentale humaine. Le roman débute par une note Wikipédia sur l'amygdale dans le cerveau humain, jouant un rôle important dans les états mentaux et les troubles psychologiques. A partir de là, le lecteur est captivé, prêt à entrer dans un Londres futuriste et dystopique comme sait si bien les créer Gemma Malley. Il suffit de peu pour que notre société actuelle bascule dans les principes qui fondent la Cité. Nous ne sommes pas loin des heures des Horreurs où l'humain, devenu pervers et violent commet l'irréparable et des actes destructeurs. La Cité est avant tout une utopie, une vaste farce régie par un gourou, une sorte de Prophète illuminateur des consciences, armé de doctrines sectaires, sauveur miraculeux dans le chaos issu de la Guerre. Un monde fait de mensonges et d'illusions. Une société totalitaire où ressentir est synonyme d'impureté et de défaillance mentale.
Forcément, pour Evie vient l'heure de la prise de conscience et de la fuite. Dans son parcours initiatique, elle sera confrontée à des sentiments contradictoires, son amour pour Raffy, ses émotions pour Lucas, sa combativité et sa détermination contre l'injustice. Pourtant les personnages ne sont pas le point fort du roman. Gemma Malley n'a pas étoffé ses héros, alors qu'il y avait une bonne matière à travailler. Lucas est de loin le personnage le plus intéressant et j'aurais aimé que l'auteure travaille sur son potentiel psychologique. A la différence de La Déclaration, les personnages ne sont pas attachants : peut-être est-ce dû au choix de narration à la troisième personne.
A part ce regret, j'ai eu plaisir à retrouver le style alerte, efficace et fluide de Gemma Malley même si j'ai ressenti moins d'émotions fortes que dans ses précédents romans. Pourtant lorsqu'on lis Sentiment 26, on ne peut s'empêcher de retrouver la maîtrise de l'intrigue servie par une excellente auteur de littérature jeunesse. A mi-chemin entre Le passeur (Lois Lowry) et Le destin de Linus Hoppe (Anne-Laure Bondoux), on reconnaîtra à Sentiment 26 d'être un roman plutôt agréable à lire, dont l'intrigue respecte les principes du genre "anticipation" et interpelle le lecteur en le forçant à réagir. Ce qu'il y a de magique dans les romans de Gemma Malley et celui-ci ne déroge pas à la règle, c'est que malgré un univers totalitaire, on retrouve toujours une part d'humanité, une part d'amour et qui nous ramène à l'essentiel : l'espoir et le libre-arbitre, le fait que les choses ne sont pas prédéterminées. J'attends donc beaucoup de la suite, qui nous révèlera si Sentiment 26 sera aussi pertinent et original que la précédente trilogie de l'auteure!
Un grand merci à Camille et aux éditions Michel Lafon
Le site de Gemma Malley
Les avis de Herisson, Melisende, Galleane
Mes chroniques sur La Déclaration, La Résistance, La Révélation
Cette lecture compte pour le Challenge Littérature de Jeunesse/ Young Adult
organisé par Mélo, Nodrey et Hélène
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