Roman - Editions J'ai Lu - 158 pages - 5.60 €
Parution chez J'ai Lu en août 2011 ( sinon 2009)
L'histoire : Laura, 17 ans, arrive pour 6 mois dans un coin perdu d'Allemagne. Elle sera jeune fille au pair chez les Bregen. Ceci pour fuire une situation familiale délicate et / ou se retrouver elle même. Mais dans une autre langue, dans une famille dont on ne comprend pas les codes, comment faire pour exister, ne pas disparaitre, s'adapter, s'intégrer et justement, ne pas se perdre, quand on réalise qu'il se passe quelque chose d'anormal dans cette famille, quelque chose qui vous dépasse, mais que vous finirez sans doute par comprendre...
Bref, une année pendant laquelle Laura sera étrangère aux autres et à elle même.
Tentation : La blogo et la réputation de l'auteure
Fournisseur : Silvana des éditions J'ai Lu. Merci !
Mon humble avis :Mes respects Madame Giraud ! Quelle plume, quel talent. J'étais prévenue par les multiples billets élogieux sur ce livre (et les autres de l'auteure) qui saluent à chaque fois la justesse de l'écriture, des mots. Mais à ce point, j'en suis encore sidérée.
Je suis entrée dans ce livre comme dans du beurre, sans réaliser à quel rythme mes pages se tournaient d'elles mêmes. Le style est fluide, délicieux, limpide, aucun mot ne freine. Et pourtant, Brigitte Giraud instaure un climat très lourd dans ce livre, limite du suspens. En fait, la description des décors, des personnages et de l'atmosphère pourrait presque annoncer un thriller psychologique. On sent le drame imminent, presque derrière chaque prochaine page. Et pourtant, la vie continue.
Dans cette année étrangère, il y a une grande part d'initiatique. Normal, ce genre d'expérience est en générale enrichissante, on apprend toujours beaucoup sur soit même et sur les autres. Brigitte Giraud fut jeune fille au pair en Allemagne, alors on peut imaginer qu'il y a une grande part d'autobiographie dans les ressentis. Néanmoins, l'analyse des faits et gestes de chacun me font demander si les auteurs ne sont pas quelquepart de grands ethnologues. Les difficultés à trouver sa place dans une famille, à se contenter des quelques mots que l'on comprend, les liens qui se nouent d'un regard et se dénouent d'une parole mal comprise, les mensonges qui arrangent tout le monde, la pudeur et l'impudeur, tout, tout ce qui se passe dans la tête d'une jeune fille au pair est décrit parfaitement, avec une vérité, une lucidité et un réalisme incroyable. Au point que j'en suis venue à me souvenir de ma propre expérience dans le domaine (très courte, 10 jours qui m'ont suffit chez des richissimes américains) et, avec du recul, à mieux la comprendre, à en saisir des subtilités qui m'avaient échappées à l'époque. Comme quoi, la littérature peut éclairer le passer de chacun.
Laura évolue énormément au fil du roman. Elle s'interroge, se découvre, se perd, s'affole, se surprend, se retrouve. La situation est d'autant plus intéressante qu'elle approche les dix huit ans et aussi... l'âge adulte. D'ailleurs, dans cette famille, sa place sera tantôt du côté des enfants, tantôt du côté des adultes.
Je n'ai pas lu la 4ème de couv, aussi, j'ai eu la surprise de découvrir les motivations réelles de Laura dans cet exil volontaire. Là aussi, ce roman m'a parlé de mon passé, moi qui, pour de multiples raisons (sauf fiscales), me suis exilée à plusieurs reprises. On fuit, on cherche, on trouve... ou pas. Mais on change.
J'en viens à mon petit bémol qui ampute une de mes étoiles.... Sur la fin, j'ai trouvé le temps un peu long et quelques redondances. Même si ces effets de longueurs sont justifié pour traduire la lenteur de la vie de Laura, j'avais envie que le livre se termine, sans doute aussi pour en avoir le coeur net sur l'issue de cette tension palpable. J'aurais aussi aimé en savoir plus sur l'étrange comportement de la petite Suzanne.
Je garde le meilleur pour la fin.... La langue, qui est finalement le personnage principal de cette histoire, celle qui fait tout, les non dits comme les incompris. Brigitte Giraud met en exergue l'importance de la langue que nous parlons et qui, sans que nous en nous en rendions forcément compte, nous façonne et nous libère. Cette histoire est très adéquat pour montrer qu'une langue que l'on ne maitrise pas nous rétrécit et peut nous rendre méconnaissable à nous même. C'est cet aspect de ce roman aussi intelligent que sensible que j'ai trouvé le plus brillant. On sait déjà qu'une langue peut nous rendre étranger face aux autres. Mais face à nous même, en sommes nous conscient ??