Ce billet est en fait une réaction à tous les écrits de fans qui fleurissent
ces temps-ci et qui proclament leur amour pour leur leader en nous expliquant
pourquoi voter
Mélenchon est pour eux une
évidence. Il faut bien avouer que la mélenchonsphère est vraiment très
dynamique
Indéniablement, Mélenchon est en pleine bourre et le Front de gauche en
pleine euphorie.
Celui-ci serait le seul à vouloir réellement changer les choses, mieux
encore, il serait le seul à mettre « l’humain
d’abord » comme si les autres avaient comme première préoccupation, le
bien être des ornithorynques ou des extra-terrestres.
Ses admirateurs nous vantent les mérites de la radicalité, seule manière
selon eux de lutter efficacement contre « la catastrophe écologique,
l’explosion des inégalités, de la précarité et de la pauvreté, les violations
répétées de la démocratie, le refus de rapports humains fondés sur la
solidarité et la coopération… » …rien de moins !
On retrouve dans la dialectique utilisée tout ce qui a fait, en son temps,
le succès des leaders de l’extrême gauche, d’un Besancenot ou d’une Arlette
Laguiller, mais en puissance 10. La différence c’est que celle-ci est portée
par un personnage à la gouaille particulièrement efficace. Mélenchon a un
charisme indéniable, c’est un excellent orateur, il est cultivé et à un culot
monstre. De plus, contrairement aux deux précités, il est détenteur de mandats
électifs censés lui donner une légitimité supplémentaire.
Pour autant, et même si la tête d’affiche est nouvelle, le discours, lui,
est toujours le même.
Au grand capital on a substitué les marché financiers, mais sinon, tout y
est : augmentation massive des salaires, la retraite le plus tôt possible,
une durée du travail aussi faible que possible, la santé totalement gratuite,
les logements sociaux qui poussent comme des champignons, une embauche massive
dans la fonction publique, des CDI pour tous, l’interdiction de licencier, un
plan transport tout azimut et tout cela financé par une fiscalité confiscatoire
et surtout par les prêts massifs et sans espoirs de remboursement d’une Banque
centrale qui ferait tourner la planche à billet à un rythme
frénétique.
Bien entendu, dans cette vision de notre société, l’Etat est omniprésent, il
est partout, il est tout puissant, il fait tout, il assure la recherche, la
formation, le financement de l’économie et même la production.
Quand aux mauvais esprits qui auraient l’outrecuidance de rétorquer qu’avec
un tel programme, la France se retrouvera appauvrie et complètement isolée (ce
qui va en grande partie de paire), on leur rétorquera que c’est sans compter
sur la capacité de notre grand pays à entrainer derrière lui, dans un bel élan
révolutionnaire, les autres pays européens voire du monde entier, à l’exception
évidemment de l’indécrottable grand Satan américain et de quelques uns de ses
inféodés.
Mais au fond, que le projet soit réaliste ou non, importe peu aux
mélenchonâtres, tout imbibés qu’ils sont de leurs certitudes. Pour eux, puisque
les « raisonnables » n’ont pas su trouver les solutions pour changer
le monde rapidement et simplement, il faut changer radicalement de modèle. Il
faut tout raser et imposer la société telle qu’on la rêve !
Dans notre monde fait d’injustices, d’inégalité, de misères et dans lequel
le Peuple est systématiquement bâillonné et méprisé, être réaliste c’est
« démissionner », c’est accepter les situations scandaleuses sous prétexte
que l’on ne sait pas comment procéder pour y remédier immédiatement.
Mélenchon joue sur sa capacité indéniable à provoquer l’émotion par ses
légitimes indignations. Mais le problème c’est qu’au-delà l’indignation, il n’y
a qu’illusions.
Le projet du Front de Gauche est parfaitement utopiste (utopie =
« Conception politique ou sociale purement idéale, qui ne prend pas la
réalité en considération. Projet irréalisable ») ce qui en soi ne serait
pas critiquable s’il était présenté comme tel. Mais c’est justement parce que
Mélenchon se présente comme une véritable alternative de gouvernement que ce
projet est contestable voire trompeur.
La radicalité utopiste du Front de Gauche n’est qu’un aveu d’impuissance,
c’est proposer une réponse simpliste à une réalité complexe. Dans le contexte
d’une élection présidentielle, il est évidemment bien plus confortable et bien
plus facile de ne faire que condamner que de proposer des solutions réalistes
pour faire avancer notre société. C’est d’autant plus facile que l’on dénigre
implicitement ses concurrents en se présentant comme l’unique représentant des
faibles et des déshérités.
Mélenchon et un peu comme le joueur de flute des frères Grimm, il séduit, il fascine, et emmène derrière son pipeau une troupe grossissante d’électeurs jusqu’à une illusion de grand soir !