Hollande n’est pas ce François là, qui était pétri de culture littéraire, historique et politique immense, ce dont ne bénéficie pas que je sache (ou alors, il ne nous l’a pas montré) le candidat actuel du parti socialiste. Pas plus qu’il n’incarne ce formidable esprit de rassemblement qui avait impulsé la campagne de 81, grâce au talent (et à la duplicité, voire la ruse, il faut bien l’écrire) de François Mitterand, qui avait su rassembler large, parce que sa carrure et son talent politique le permettaient. Mélenchon est davantage héritier de cela, de ces qualités de fédérateur, comme il l’a si admirablement prouvé.
Aujourd’hui, le contexte n’est pas le même, Hollande ne peut bénéficier de cette unité à gauche, tout simplement parce que le PS, qui se trouve de moins en moins socialiste au sens originel du terme comme je l’ai souligné ici, s’est compromis dans une orientation politique prétendument pragmatique et d’adaptation au réel qui l’a embourbé dans la même vision et la même concrétisation économique du monde que celle de nos adversaires de droite : le libéralisme, un champ sur lequel Hollande a poussé, et s’est construit, tout comme ceux qui l’entourent, comme ces anciens apôtres de DSK, dont son propre directeur de campagne….
Cette confusion idéologique a dérouté l’électorat populaire, qui après la phase de sidération où il s’est retrouvé déboussolé parce qu’il ne comprenait plus ce qu’il considérait comme une intolérable compromission avec les forces de l’argent, de la part de son propre parti, pourtant théoriquement situé à gauche, s’est retrouvé alors dépossédé de représentation, d’où une immense colère qui a trouvé de biens mauvais exécutoires… On connaît la suite. Fuite vers le FN, et aussi, et à mon avis en bien plus grande proportion, reflux vers l’abstention, comme un refuge, pour apaiser ses plaies…
Qu’on me permette une petite parenthèse dans ce probablement trop long texte qui excède par sa teneur le format d’un billet de blog et qui appellerait bien des prolongements et de précieux éclaircissements. Elle me semble éminemment nécessaire au regard de la tentative de récupération politicienne des convictions de certains par le biais du bac de rétention des eaux usées du vote utile. Il s’agit de la stratégie du PCF d’autrefois, qui n’est bien évidemment plus celui d’aujourd’hui, à part de rares poches de résistance qui se réfugient dans l’orthodoxie par simple calcul parce qu’ils n’ont pas encore compris, ces diplodocus, comment le vent tourne, et se raccrochent donc aux vieilles branches. Le PCF avait adopté autrefois une position pour le moins schizophrène qui consistait à combattre le PS au premier tour pour se rallier à son candidat au deuxième, ce qui fut du plus mauvais effet , à long terme, sur l’électorat qui n’est pas si idiot qu’on veut nous le faire croire. Ceci explique peut être d’ailleurs en partie la décrédibilisation qui a frappé le PCF au point de l’amener vers les résultats si pitoyables des dernières élections… Avant que n’apparaisse le Front de gauche. Cette fois, cela risque bien d’être très différent : nous ne nous laisserons pas de nouveau avoir. Surtout avec à notre tête quelqu’un qui ne connait que trop bien les rouages de la machine infernale à tractations de coulisses…
Aujourd’hui, on voudrait donc nous convaincre de voter dès le premier tour contre nos convictions pour un candidat qui, sans être le même que son rival, (on peut quand même le supposer un peu plus humaniste…) n’en partage pas moins les mêmes valeurs économiques qui nous mènent au désastre, tel qu’on peut le constater actuellement un peu partout maintenant en Europe ? Ridicule. Il suffit d’ailleurs de comparer les programmes pour voir nettement à quel point celui du front de gauche est beaucoup plus élaboré que ne le laissent accroire des journalistes à la botte ou des gens mal intentionnés qui vont jusqu’à prétendre que nous n’en aurions pas alors qu’il est l’un des premiers à avoir été défini. (Il est où, celui de l’UMP, déjà ? On attend toujours…).
Même en prenant pour soi les arguments de nos cousins socialistes parmi les mieux intentionnés, ce prétendu vote utile m’apparaît inutile en termes de changement sociétal que nous appelons de nos vœux intensément, parce que nous en avons terriblement besoin, parce qu’il y a urgence par nécessité au vu de nos moyens d’existence à changer le monde. Et ce gars là, tout le monde le voit bien, le sait bien, ne le fera pas, sauf à la marge, avec quelques mesurettes… Je sais déjà, par intime conviction forgée par l’expérience qu’il va vous trahir peut-être encore plus cruellement que Mitterand ne l’a fait. Car lui, au moins, il avait nationalisé les secteurs sensibles. Ce que les amis de Hollande se sont empressés de détricoter… Le changement, c’est maintenant, vraiment ? Avez-vous donc renié les théories économiques de votre ami DSK, le chouchou des médias d’autrefois, le favori des puissances financières dominantes ?
Cette gauche là, nous n’en voulons pas. Ni au premier, ni au deuxième tour. Car nous pensons qu’un autre monde est possible et éminemment souhaitable, et que le candidat dit socialiste ne l’incarne pas.
Le 22 Avril, je voterai Mélenchon, avec fierté de le faire pour quelqu’un qui a su en cette période de sinistrose réincarner enfin l’espoir à gauche, et nous proposer un monde meilleur là où le candidat socialiste ne nous suggère une fois de plus que de nous adapter à une réalité qui n’est que celle des intérêts dominants, qui tirent profit des plans d’austérité. Sur notre dos.
Et le 6 mai, je voterai encore Mélenchon car j’ai envie de croire que si une telle mauvaise surprise que celle de 2002 a pu avoir lieu, et prendre ainsi de court les instituts de sondages, alors cette bonne surprise là aussi, à plus forte raison.
Et si cela ne devait pas se passer ainsi, alors je voterai blanc.
Et peut être qu’après y avoir tellement cru, dans cette formidable surprise qu’est Mélenchon, si celle-ci ne se réalisait pas, alors je deviendrais anarchiste, seule issue de secours possible, et nécessaire à mon ressourcement.