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D'instant en instant, l'air instille ses volutes futiles qui titillent les pores. Chaque molécule respire sans en avoir l'air. Enfin lasse d'avoir à se justifier, toute existence se dissout dans l'anonymat d'impasses salutaires. Baudruche fébrile et pathétique, l'ego épuisé fredonne son ravissement de jouer d'une inutilité qu'il ne sait plus feindre. La lumière même se fait insouciante, joignant à celles de l'air de timides intrusions sous les espaces voilés. Escamotant leurs pans rudes et aveugles, les cloisons ordinaires font vaciller leur matérialité rassurante pour n'être plus que chimères évanouies.Où sommes-nous alors ?... La sensation hésite et glisse d'un "nous n'y sommes plus" à un "nous n'en sommes plus". Pas d'étrangeté inquiétante dans ce sentiment d'être ailleurs, mais la tranquille évidence d'être enfin chez soi. En passeur de vertus appliqué, le temps nous confie une rareté toute fraîche : "Ne faites rien et voyez !... Plus l'esprit est vide, plus il peut se remplir d'objets sublimes."
Paysage vide, demeure vide, page vide appellent des espaces à créer. En s'incarnant, les âmes de Platon descendent comme des étoiles filantes, traversent les déserts et finissent par atteindre notre monde. Parvenues au Léthé, elles n'en peuvent plus de boire l'eau du fleuve de l'oubli. Réduit à un océan de peu, le vide séduit ces folles prêtes à toutes les repentances pourvu qu'on leur promette une paix durable. Le Rien se presse en foule au funérailles du "Moi Je..." Un voile de légèreté esquisse une ombre claire.