- Poche
- Editeur : Gallimard (27 août 1997)
- Collection : Serie Noire 1
- Langue : Français
- ISBN-10: 2070497763
- ISBN-13: 978-2070497768
Le danger, je lui laisse...
Résumé éditeur
On peut voyager à pied, à cheval, en voiture, en bateau ou en ambulance. On peut emporter pour le trajet des biscuits, ou des pruneaux. On peut choisir la classe grand luxe… ou la classe tous risques. C’est parfois une question de tempérament, c’est plus souvent une question de hasard. Mais le proverbe italien dit : « Che va piano, va sano », et le proverbe français : « Petit train va loin ». Et là, il ne s’agissait pas pour le voyageur d’aller « petit train » mais de foncer à tombeau ouvert …
Les élucubrations du bertrand
Ils étaient cinq mecs, dans le temps, Abel, Jeannot, Raoul, Raymond et Riton, cinq mecs qu’avaient les mêmes besoins, le fric, et qu’employaient les mêmes moyens, la force.
Le temps, cet assassin, les a bien changés. Jeannot a évolué de petit vol en arnaque ratée, a connu les carrées minables et les cachots sans étoiles. Raoul et Riton, ça va pour eux, merci. Ils bourgeoisent désormais, pignon sur rue, femme fidèle et craintive, aucune envie de replonger. Abel et Raymond, eux, ils n’ont jamais quitté leur clandestinité, mais maintenant même le soleil italien devient malsain, surtout quand y’a plus une tune. Alors, back in France, pourquoi pas ? On les y aura peut-être oubliés ?
S’agit pour eux de s’extraire de la botte et d’y arriver, en France, et ça ne va pas sans mal, ni surtout sans casse. Seul Abel s’en sort. Seul, son réflexe c’est évidemment de s’adresser à ses anciens potes français, ça coule de source, c’est l’évidence, d’autant qu’il leur a rendu des services, autrefois, du genre de ceux qui peuvent pas s’oublier.
Mais tes potes, Abel, y préfèreraient vraiment t’oublier, tu vois, y regrettent même de t’avoir connu, surtout les deux qu’ont une tranquillité nouvelle à perdre, Raoul et Riton. Ces deux-là, tu leur dérange le quotidien, avec ton appel au secours passé depuis Nice. Trop dangereux de se mouiller. Même Jeannot, qui voudrait bien mais qu’est tricard, y bougera pas. Heureusement pour toi, y’a un mec correct dans cette histoire, un certain Stark qu’était un pote de Raymond que t’as laissé, troué au pruneau par les douaniers, sur la plage. Alors, ce Stark, financé par Raoul et Riton, va te ramener à Paris, comme ça, parce qu’il est réglo, parce qu’il a de la souvenance et du respect. Après, ce sera à toi de voir si tu peux t’en sortir, mais t’as sans doute pas un grand avenir…
Comme toujours ou presque chez José Giovanni, ce roman est un essai sur l’amitié et la trahison. D’un côté un type qui n’a rien oublié et qui compte sur ses potes, de l’autre des gonzes qui veulent tout oublier : pas lâches, simplement respectables. Pas respect du mitan, respect sociétal, le pire, le faux-derche, le friqué. Et c’est vrai ça, pourquoi risquer une bastos quand on est sûr de se prendre son café-crème au réveil ? Un type perdu, foutu, Abel, qui comprend plus rien, qui comptait sur la solidarité ce con, naïve tête brulée, une guerre en retard…
Détail qui en amusera certains et en révulsera d’autres, Giovanni n’a pas vraiment inventé ces personnages. Abel Danos a bel et bien existé, Raymond Naudy aussi… D’affreux cocos, anciens de « La carlingue », la sinistre bande de la rue Lauriston… Des copains de José Giovanni, qui en croqua et y « travailla » aussi, mais semble-t-il pas comme bourreau. Condamné à mort à la Libération mais gracié par Vincent Auriol. Giovanni ne fera finalement que onze ans de placard.
Ecriture sobre, magnifique, forte, dérangeante, c’est du Giovanni, c’est dire.