Suite et fin des billets précédents (1 et 2) sur les enjeux du prochain sommet Otan de Chicago, en mai prochain.
4/ Sécurité coopérative
Une des grandes nouveautés du sommet de Lisbonne tenait à l’invention du concept de « sécurité coopérative ». Une sorte de partenariat global avec les pays amis (Australie, Japon, Corée, Nouvelle Zélande) mais qui regrouperait également les partenariats existant : partenariat pour la paix, dialogue méditerranéen, initiative de coopération d’Istanbul, Conseil OTAN Russie. Il s’agissait également d’améliorer les relations avec les grandes institutions (ONU, UE, UA …) afin de travailler ensemble à « l’approche globale », cette nouvelle façon de conduire des opérations dans des situations irrégulières et nécessitant à la fois des outils militaires et des outils civils. Lisbonne décidait ainsi de créer une capacité « petite mais robuste » de gestion civile des crises, ce que d’aucuns avaient vu comme une concurrence au domaine réservé de la PSDC.
D’un certain point de vue, à cause des opérations en Libye, le dialogue avec les pays arabo-musulmans (Dialogue Méditerranéen, Initiative de coopération d’Istanbul) s’est amélioré, puisque des avions jordaniens, émiriens et qatariens ont participé à l’opération Effort Unifié en Libye (OUP). Toutefois, il faudra examiner dans la durée les bénéfices politiques que l’alliance tirera de cette opération. A coup sûr, elle sera mieux accueillie aujourd’hui en Libye qu’il y a dix-huit mois. Pourtant, il ne faut pas imaginer de grands bouleversements ni un grand changement d'attitude de la part des pays de la ligue arabe.
Pour le reste, il ne semble pas que les choses aient beaucoup avancé par ailleurs. Les blocages persistent avec l’UE, à cause de Chypre mais aussi d’un blocage turc qui persiste. Avec la Russie également, les relations se sont raidies. Certes, on peut considérer que ce durcissement est lié à la campagne électorale en Russie et au besoin du gouvernement russe de démontrer sa force vis-à-vis d’une Otan qui demeure mal considérée. Et effectivement, les négociations semblent avancer pour l’utilisation de la voie ferrée qui permettra d’évacuer un certain nombre de matériels d’Afghanistan. Il reste que Moscou ne devrait pas changer radicalement de position à Chicago : en effet, la Russie attendra le résultat des élections américaines pour entrer dans un nouveau cycle de négociations avec Washington. Au fond, pour la Russie, l’Otan ne constitue qu’une ligne d’opération au sein du dialogue stratégique américano-russe.
5/ La question proche-orientale
Officiellement, les alliés ne discuteront pas de l’Iran, sinon pour condamner, ainsi qu’ils l’ont toujours fait, la prolifération et les risques que fait peser Téhéran sur la stabilité régionale. Toutefois, le rassemblement de Chicago sera certainement l’occasion d’un certain nombre de conciliabules. Tout d’abord pour déterminer la position politique à tenir face à l’Iran, voire avec Israël ; mais aussi pour définir les conduites à tenir dans le cas d’éventuelles frappes israéliennes contre l’Iran, qui supposeraient probablement un soutien américain.
De même, la question syrienne sera abordée. Il est peu probable que l’Otan soit considérée comme l’instrument idoine d’un appui direct à d’éventuels insurgés : ce serait politiquement très difficile, et militairement compliqué. Mais il n’est pas impossible qu’on pose la question de la stabilisation d’un éventuel changement de régime. Une opération de maintien de la paix serait envisageable, bien que très hypothétique à l'heure actuelle. Toutefois, les décisions dépendent des événements et il peut se passer bien des choses d'ici deux mois.
Conclusion
On me posait aujourd'hui la question : Chicago sera-t-il un sommet important ? Ce sera surtout un sommet en terre américaine, une année d'élection, dans la ville d'origine du président en place qui sollicite un deuxième mandat : il fera tout pour que ce soit un "succès", quitte à transiger ici ou là : il y a donc pour les diplomaties nationales des possibilités de manœuvres localisées, dans des dossiers très techniques (AGS, JISR, ...) qui ne feront pas les couvertures. Ce ne sera probablement pas un "grand" sommet, comme purent l'être Prague en 2002 ou même Lisbonne il y a deux ans. Mais les sommets de l'Otan ne sont jamais négligeables : des points d'étapes utiles. Chicago sera un sommet normal, ni grand ni mineur.
O. Kempf