La nouvelle de ce matin n’a pas surpris outre mesure le monde de l’industrie des télécoms et de la finance. Depuis un mois c’était « Bell et bien évident »! Bell entend marcher sur les pieds de Rogers et dans une moindre mesure, écraser au passage les orteils de Quebecor au Québec.
Il y a quand même un curieux synchronisme avec l’annonce du fédéral d’ouvrir le marché canadien de la téléphonie mobile à des participations étrangères. La bataille se jouera moins sur le contenant que sur le contenu. Les nouveaux détenteurs de fréquences de services mobiles n’auront que les chaudrons avant de pouvoir toucher aux recettes!
Bell a bien compris sur quel terrain va se jouer la partie de bras de fer des télécommunications. La création de contenu original attire des visiteurs, des auditeurs et des téléspectateurs. Bell vient de s’acheter une formidable machine à créer du contenu supplémentaire. Avec Astral, elle met la main sur un bassin de talents, mais aussi sur une multitude de plateformes pouvant servir ses stratégies de convergence.
Bell va maintenant occuper tout le plancher. De la distribution de signal, à la télévision généraliste et spécialisée, à la téléphonie, au web, en passant par la radio et l’affichage. Pour les annonceurs, Bell deviendra une MÉGA-AGENCE de placement médias qui pourra moduler ses tarifs au gré des besoins de la clientèle. Avec le 4G LTE, la fréquentation du web est de plus en plus mobile. Pour se différencier, les fournisseurs cellulaires doivent être en mesure d’avoir du contenu vidéo de qualité à inclure dans les forfaits. Maintenant Bell pourra piger dans les programmes de Canal D, Z, Vie, Historia, Vrak, HBO, Musique Plus, etc. Et… dans le sport professionnel! Le Movie Network et Super Écran pourront aussi rivaliser avec les NetFlix de ce monde. Bref, les annonceurs pourront faire du placement de produits et des campagnes multiplateformes dont l’imagination sera la seule contrainte. Les agences de pubs et boîtes de créations doivent déjà saliver en se frottant les mains.
Tomber dans le panneau!
Aux yeux de George Cope, le réseau d’affichage comprenant plus de 9500 panneaux à travers le pays est sans doute bien plus attrayant que les réseaux radiophoniques NRJ, RougeFM, Virgin et EZ-Rock. Je ne serais d’ailleurs pas très surpris que Bell souhaite se départir ou ferme carrément des dizaines de stations déficitaires ou en déclin. A ce sujet, les derniers sondages PPM montrent que le vent tourne très rapidement. Une certitude, tout change très vite! A l’ère d’iTunes, on dirait qu’on délaisse la musique programmée pour le contenu parlé. De gros défis attendent Bell de ce côté. Il est facile pour un géant de culture canadienne-anglaise de se casser les dents dans la radio-diffusion au Québec. Même Corus a préféré lâcher le morceau et a quitté cette société TROP distincte à son goût! A la place des employés de RougeFM, NRJ et Boom, je serais un peu nerveux. Oui, la radio peut encore servir de complément à une campagne publicitaire ou à un évènement télévisuel, mais doit être plus significative que ce qu’Astral offrait depuis quelques années. L’éparpillement n’est jamais une stratégie rentable.
Est-ce que les autorités réglementaires vont permettre cette concentration de médias? Sans doute. Ce n’est pas le genre des conservateurs de se mêler directement d’une transaction commerciale. Quant aux principaux intéressés, les actionnaires, il n’y a pas vraiment d’obstacles. La famille Greenberg détient plus de 60% du vote. Avec une prime de plus de 38% sur la valeur de l’action, l’accord des 40% restants n’est qu’une formalité.
La meilleure nouvelle que les publicitaires vont ovationner? La disparition à moyen terme de l’affreux logo d’Astral.