Les trous de vers (wormholes) permettant le passage rapide entre zones éloignées d’un même univers, ou entre univers distincts, est un classique de la SF mais l’origine du concept remonte en fait à Einstein et ses contemporains tels Nathan Rosen et John Wheeler – ce dernier étant l’auteur des termes de trous noirs et de trous de vers. La possibilité qu’il existe des trous de vers, une sorte de métro intergalactique coupant à travers les méandres et restrictions de la circulation “de surface”, est en fait inhérente à la théorie générale de la relativité – ce qui fut démontré par Ludwig Flamm dès 1916 juste après la fameuse publication par Albert Einstein.
Ce dernier et Rosen, en 1935, explorèrent plus avant cette notion pour arriver à la conclusion qu’ils faudrait réunir deux ingrédients a priori impossibles: d’une part une sorte de trou noir particulier sans horizon (l’horizon étant le seuil à partir duquel plus rien ne peut s’échapper du trou noir) à chaque bout du trou de ver, et ensuite que ces trous de vers ne pourraient exister qu’entre deux univers parallèles. Notion qui, à l’époque, était totalement inconcevable même si aujourd’hui la notion de “multivers” est assez largement acceptée (voir par exemple ce billet “Univers multiples, physique quantique et au-delà“).
Heureusement pour les voyagistes intergalactiques, en 1955 Wheeler démontrait que les trous de vers pouvaient en fait relier des lieux distants au sein d’un même univers mais subsistait un problème majeur: ces trous étaient hautement instables, un simple photon tentant une percée suffisant à les fermer. Pas pratique. Mais en 1987 une équipe du California Institute of Technology menée par Kip Thorne, sur demande de Carl Sagan qui cherchait une solution de transport galactique pour son héroïne dans Contact, démontrait que ces trous pourraient être stables à conditions que leurs orifices soient maintenus ouverts par une “énergie négative”. Hélas le niveau d’énergie requis pour alimenter ne serait-ce qu’un trou de ver permettant le passage d’un être humain est tel que son existence reste tout à fait théorique.
Une autre piste de recherche fut alors de considérer que la théorie d’Einstein, qui définit la gravité comme étant le produit de la courbe de l’espace-temps, n’est peut être pas correcte, ou plus exactement n’est que la simplification d’une réalité sous-jacente plus complexe et composée de plus que 4 dimensions. Déjà en 1921 Theodor Kaluza et Oskar Klein démontraient que la gravité et la force électromagnétique pouvaient s’expliquer à partir d’un univers courbe à cinq dimensions, et aujourdhui, en théorie des cordes, on parle d’espaces à dix dimensions. Mais le plus important est qu’à partir du moment où l’on dépasse nos quatre dimensions traditionnelles, de nombreuses contraintes à la formation de trous de vers disparaissent. Cette démonstration fut réalisée en 2002 par Kririll Bronnikov du Centre de Gravitation et de Métrologie Fondamentale de Moscou, et Sung-Won Kim de l’Université de Séoul. Selon leur modèle notre monde serait une île ou “brane” en quatre dimensions flottant sur un océan de dimensions supplémentaires, et des trous de vers existeraient partout, sans limite de taille et sans besoins énergétiques particuliers.
L’origine de ces trous serait “l’écume quantique” d’où jaillissent et disparaissent les particules, et dont la structure permettrait l’apparition de minuscules trous de vers. Mais à l’origine de l’Univers, la phase d’expansion hyper-rapide aurait pu geler et agrandir un grand nombre de ces trous, les rendant aujourd’hui potentiellement détectables. Voir utilisables, même si pour laisser passer un humain le diamètre du trou devrait être de l’ordre de centaines d’années-lumières, sinon la gravité l’écraserait. Néanmoins un tel trou serait visible et permettrait, sinon d’atteindre, au moins de voir ce qui se passe de l’autre côté, dans un autre univers. L’existence de ce type de trou reliant différents zones de notre univers semble déjà moins évidente mais pas tout à fait impossible.
L’image des ETs faisant la navette entre notre galaxie et leur lointaine galaxie d’origine n’est peut être pas, après tout, juste un cliché de la SF.
Billet en accès libre sur: http://rhubarbe.net/blog/2012/03/15/trous-de-vers-dans-lunivers/